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Lubies - Page 114

  • ...

    Je suis parti à Los Angeles,

    enregistrer

    mon dernier rêve

    en studio.

    C'était comme d'assister

    à la renaissance

    d'un personnage.

    Oui, c'était d'une douceur

    de papier chiotte.

    Rêche comme ta 

    peau 

    quand tu t'emportes

    en chemin

    à propos des aléas du monde.

    Dites, et si ça ne vous fait

    rien,

    nous ne tiendrons pas

    compte,

    ici,

    des nostalgiques

    de la musique pop

    et du surf.

    On s'épargnera

    ainsi

    une série d'aphorismes-

    l'aphorisme est

    déshonoré

    pour longtemps-

    sans appel.

    Je suis parti à Los Angeles,

    enregistrer

    mon dernier rêve.

    Dans mon esprit

    tout était clair.

    Nous connaissons tous

    les petits côtés

    d'un dernier rêve.

    C'est las, un dernier rêve,

    de tenter perpétuellement

    de sauver le monde.

    Tréteau mineur,

    un art

    en grandes pompes,

    voilà avant qu'il

    ne se referme sur vous

    irrémédiablement, 

    oui, voilà tout le joli

    speech,

    pris de violence et

    de cinéma,

    qu'il vous propose,

    un dernier rêve...

     

  • ...

    Un peu chaque jour,

    beaucoup de gens

    disparaissent.

    Des écrivains cessent

    d'écrire.

    Des groupes ou des couples,

    c'est du pareil au même,

    se séparent.

    Des paysans se suicident...

    Un pied à l'ombre, 

    je revois 

    cette amie d'avant.

    Son sourire était dur

    à entendre.

    Prise sur le fait,

    elle mentait avec

    un aplomb impressionnant. 

    Sauf une fois...

    L'élément déclencheur,

    dans une vie de fille

    solitaire,

    elle disait,

    c'est souvent le premier

    rouge à lèvres

    qui vous accompagne

    dans chaque moment-clé

    de votre solitude.

    Elle rêvait qu'une nuit

    on l'enlève

    jusqu'au cœur du soleil

    noir

    d'une forêt d'épicéas...

    Un pied au sec,

    je la revois qui pleure,

    cette fois

    où je l'ai surprise

    en train de congeler

    un oiseau mort...

     

     

  • Fonds de tiroir...

    C'était toujours à l'approche du premier sommeil, quand vous sentez cet engourdissement délicieux gagner peu à peu tout votre corps. L'instant où la surveillance se relâche. Jusqu'ici, vous vous êtes efforcé de détourner votre mémoire des affres de la nuit précédente, et, juste au moment où la partie paraît gagnée, le craquement sec du plancher a tôt fait de ranimer la crainte. Le cauchemar que vous appréhendiez tant ne peut plus être différé.

    L'été, cela débutait par les piqués suraigus d'un moustique au milieu d'un silence de mort. Et puis, sur le vieux papier peint détendu par l'humidité, le crissement d'une colonie de cafards. A force, tous ces sons finissaient par me vriller le cerveau.

    L'hiver, il y avait surtout le trottinement continuel des rats derrière les murs et, parfois même, jusque dans le faux-plafond. Ce n'était pas ces bruits en eux-mêmes qui me causaient tant d'effroi, mais d'avantage ce qui ne manquerait pas de m'arriver une fois que les sacs de céréales ne suffiraient plus à satisfaire leur voracité. Chacune de ces nuits me menaient aux portes de la folie. C'était toujours comme si une sorte de fièvre quarte achevait de me consumer.

    Vingt ans plus tard, un rêve, mélangé à l'animation des jours précédents, m'avait ramené au cœur de cet enfer. Oui et j'avais presque envie de me laisser faire. Et si je retournais voir comment tout ça survivait par ici...Vingt ans plus tard, je me suis réveillé vers les trois heures du matin, à peu près dans le même état qu'à cette époque. Une sueur mauvaise au visage. Le tricot de corps poissé d'angoisse. Assis sur mon lit, j'ai repensé à cette époque-là. Vivre, alors, revenait à se bricoler à la hâte une manière de roman irrespirable...