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    Le vent, ce matin, comme agent provocateur, on ne fait pas pire. La radio continue de jouer avec nos nerfs. C’est du bruit, rien que bruit mais c’est trop calme. Je ne peux pas chanter. Je n’ai jamais su. Et pourtant, hier, que le soir amorçait déjà son petit mouvement tournant dans le but de renverser le cour de la bataille- que je me tenais tout droit contre ce début d’automne qui refuse toujours de dire son nom et que je sentais bien, oh oui alors, que le fond de l’air n’y était pas pour grand chose si, tout à coup, on s’était mis à écrire avec les pieds. Strictement pour rien.- oui, pourtant hier, j’aurais bien voulu revoir les rues qui s’étalaient sur ta peau. Mais je ne peux pas chanter. Je n’ai jamais su. Rien de dramatique là-dedans.

     

    Un rêve ancien doit toujours, j’imagine, se promener en socquettes à travers les champs de blé qui ballottaient, entre tes éclats de rire et nos détresses orphelines, ballottaient comme ça, à la périphérie de l’adolescence. Rien de dramatique. Rien d’héroïque non plus. Les champs de blé ont toujours fourni une cachette idéale, un refuge sans souci où broyer du noir tranquille, si l’on voulait mal dire ces choses, enfin vous savez bien, le nez qui tutoie d’un peu trop près la mousse d’une bière tiédasse, et revoilà, bricolées à la sauvette, une poignée de chansons d’amour un peu trop proprettes, un peu trop pressées de mettre les pleureuses de leur coté.  Avoir le cafard, certes, mais les mains tendues vers quelque chose d’autre. On ne sait pas. Etre en plein marasme, perdu dans cette zone des calmes équatoriaux où l’on a cru utile de venir se planquer, lâche comme tout le monde, et carrément en panique, avec son paquet de sottises sous le bras, carrément oui, après qu’une première détonation ait suffi à mettre en émoi toute la populace.  

     

    (Photo Frédérick Jeantet)

     

     

     

     

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    Si tu penses toujours aussi obstinément, me dit-elle, que le rêve, le voilà le plus ancien genre littéraire du monde, il faudra peut-être que tu te fasses à l'idée que les gens, ils dorment assez peu, tout compte fait. Ou alors juste d'un œil. Tu crois pas, mon chou?

     

    Sur une surface assez réduite, me dit-il, les grenouilles se partagent tous les nénuphars de l'étang. Sous l'eau, une inquiétante créature fraie avec nos fantasmes les plus troubles..

     

    Oh tu sais, me dit-il, le cœur m'a sauté trois battements au moment où le train a quitté la gare Saint-Lazare. Tes yeux pleins de rires, je les sentais encore dans mon dos. Je vais t'avouer quelque chose. Ne le répète à personne. J'aime ces heures où nous jouons, tous les deux, aux cancres de la vie. Oui. Vraiment. J'aime...

     

    Viens voir, me dit-elle, tu dirais l'amour assis, là-bas, sur ce banc. Non?

     

    (Photo Frédérick Jeantet)

     

  • A cheval...

    Je suis les reflets de la pluie sur ton comptoir en formica, me dit-il. Je suis le nom des rues où pissent tous les teckels tombés pour elle. Je suis un numéro spécial du journal des jockeys qui à la ville s'habillent toujours chez Renoma. Je suis la petite fille à sa maman qui voudrait se faire bronzer sur un transat de l'hôtel Terrass. Je suis un morceau de cuite à cent balles. Autant dire que je n'ai jamais été trop à cheval sur tous vos principes de réalité...

     

    Alors, me dit-il, je me suis allongé près de ce verre de Lillet rouge et j'ai regardé la fuite infinie des nuages...

     

    J'ai rêvé New-York, me dit-il, et puis j'ai vu Bécon les Bruyères...

     

    (Photo Frédérick Jeantet)