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Le vent, ce matin, comme agent provocateur, on ne fait pas pire. La radio continue de jouer avec nos nerfs. C’est du bruit, rien que bruit mais c’est trop calme. Je ne peux pas chanter. Je n’ai jamais su. Et pourtant, hier, que le soir amorçait déjà son petit mouvement tournant dans le but de renverser le cour de la bataille- que je me tenais tout droit contre ce début d’automne qui refuse toujours de dire son nom et que je sentais bien, oh oui alors, que le fond de l’air n’y était pas pour grand chose si, tout à coup, on s’était mis à écrire avec les pieds. Strictement pour rien.- oui, pourtant hier, j’aurais bien voulu revoir les rues qui s’étalaient sur ta peau. Mais je ne peux pas chanter. Je n’ai jamais su. Rien de dramatique là-dedans.
Un rêve ancien doit toujours, j’imagine, se promener en socquettes à travers les champs de blé qui ballottaient, entre tes éclats de rire et nos détresses orphelines, ballottaient comme ça, à la périphérie de l’adolescence. Rien de dramatique. Rien d’héroïque non plus. Les champs de blé ont toujours fourni une cachette idéale, un refuge sans souci où broyer du noir tranquille, si l’on voulait mal dire ces choses, enfin vous savez bien, le nez qui tutoie d’un peu trop près la mousse d’une bière tiédasse, et revoilà, bricolées à la sauvette, une poignée de chansons d’amour un peu trop proprettes, un peu trop pressées de mettre les pleureuses de leur coté. Avoir le cafard, certes, mais les mains tendues vers quelque chose d’autre. On ne sait pas. Etre en plein marasme, perdu dans cette zone des calmes équatoriaux où l’on a cru utile de venir se planquer, lâche comme tout le monde, et carrément en panique, avec son paquet de sottises sous le bras, carrément oui, après qu’une première détonation ait suffi à mettre en émoi toute la populace.
(Photo Frédérick Jeantet)