Poème tout seul
Le destin n’est qu’une ligne tracée
Dans le premier regard
Et parfois dans ce regard la nuit s’attarde
Alors la nuit est tiède et elle sent le feuillage
Alors la nuit a l’air fragile il fait froid et ses os
Font un poids léger sur la neige
Alors le vent se lève depuis l’est vers la mer
Le vent secoue les torches
Le vent n’en finit pas d’accompagner les feuilles
Il claque dans les voiles comme un reproche
Pèse le pour pèse le contre
Et surtout il prend soin de mettre la colère
Et la haine dans la balance
Oui mais toi
Tu as peur
Tandis qu’un cirque passe
Paresseux il s’écoule dans le fil de brume
Et l’eau sombre de la nuit
Oui mais toi tu dirais une péniche
Repartie pour nulle part
S’échouer en cale sèche
Oui mais toi tu sais que
C’est mal de regarder le monde
Derrière les vitres de l’abribus
Oui mais toi
Tu voudrais tant tu as envie
De t’échapper d’ici en profitant du vent
A la faveur du cirque
Oui mais toi
On t’a bien dit que
Qui couche avec des chiens risque d’attraper des puces
Et puis il y a cette fille et à son bras un oiseau s’impatiente
Mi colombe mi charognard
Et tu sais que cet oiseau-cette fille
Reviendront un soir
Cogner du bout de l’aile
Et qu’après ça toi aussi tu voleras à leur suite
Puisque c’est la nuit parait-il qu’il faut croire
Croire à la lumière
Croire à l’oiseau bleu
Y croire au moins jusqu’à l’autoroute.
(Photo Frédérick Jeantet)