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Lubies - Page 9

  • Des ombres

    Les jolies vues 

    ça paie pas les factures 

    L'internationale des serveuses

    et des serveurs 

    qui vivent les saisons 

    déclarées ou moins 

    d'Auray à la Trinité sur Mer

    le savent bien

    Elles et ils courent

    pourtant sans désemparer 

    leurs plateaux de bonne humeur 

    levés en haut style 

    tendus comme autant d'offrandes 

    sacrificielles 

    dans l'espoir de vivre

    pour certains un jour

    après l'autre 

    quand d'autres fomentent

    secrètement des désirs 

    d'ailleurs 

    Le plus souvent une bande

    musicale pour décor 

    d'ensemble 

    permet de maintenir 

    à un niveau sonore

    raisonnable 

    trop de bruits 

    dans toutes ces oreilles 

    Rires et rumeurs

    des conversations

    qui naissent depuis les terrasses

    jusqu'à gonfler comme

    une ligne de basse

    lourde et lente

    vers l'intérieur des salles 

     

    Hier en fin d'après-midi 

    à cette heure où le soleil 

    faisait enfin son âge 

    Nous nous sommes assis 

    à l'une de ces terrasses 

    Tes yeux dans le sillage 

    de cette serveuse

    si jeune et le visage déjà 

    plus qu'un brouillon de lumière 

    Tu m'as dit

    Elle est morte de fatigue 

    et n'empêche quelle figure

    énergique 

     Peut-être qu'elle pense 

    j'en peux plus mais

    l'été ne va pas 

    se vider tout seul 

    Peut-être qu'elle nous regarde 

    comme de simples silhouettes 

    Qu'elle a appris à nous sourire 

    comme à des ombres 

     

    Tu as raison 

    Il y a trop de monde 

    par ici 

    De toute façon 

    même les mouettes 

    ont déserté le ciel 

    sans doute par crainte

    qu'on les dépouille 

    de leur vol

    Une main tire la nuit 

    par là -bas

    et depuis l'invention 

    du tourisme de masse 

    l'oeil du peintre 

    nous a relégué au rang

    de simples mannequins

    pris au piège des vitrines 

    d'un mois d'août 

    épatant de santé 

     

     

     

     

     

  • Ty Bihan

    Carnac très tôt
    ce matin

    Le peigne mauvais
    du vent
    s'applique à décoiffer
    la cime des pins
    Sur la plage
    de Ty Bihan
    les premiers baigneurs
    arrivent
    prêts à chasser la sirène
    chaussés de méduses
    Petit avant poste
    de l'armée qui s'apprête
    à replanter le drapeau
    dans la chair à vif
    du sable
    On raconte qu'ici
    rien ne cicatrisera
    avant septembre
    Si je peine à distinguer
    leurs visages enfouis
    sous les capuches
    entourées de sommeil
    je suppose des mains
    triturant aux fond des poches
    les lettres inutiles
    d'un dernier rêve
    Sans doute ira-t-il bientôt
    heurter
    le miroir des vagues
    qui a vu
    tant d'oiseaux
    mourir dans ses yeux





  • Bouche à bouche mélancolique

    L'heure où le ciel 

    marchande le sable 

    contre une pellicule 

    fine et poudreuse 

    Dessous lentement 

    la plage s'endort 

    Rumeurs de la mer

    qui rumine son indigestion 

    de touristes 

    Hacqueville et son ameublement 

    de familles de couples

    et plus rarement

    quelques personnes seules 

    exposées sur leurs serviettes 

    dans cette foire à tout

    des vacances au mois d'août 

    Ici ce couple de quasi centenaires 

    venus seulement se tremper 

    les jambes jusqu'à mi mollet 

    avant de regagner l'ombre 

    de leur maison de famille 

     à l'abri de ces thés rares

    où infusent encore 

    un reliquat de dandysme 

    des envies de pique -nique

    sans déambulateur 

    comme on ranimerait 

    des mots refroidis 

    dans un bouche à bouche 

    chaste et mélancolique 

    en restant à l'écart 

    de cette époque décidément

    vendue à la vitesse 

    Là le burn out raconté 

    dans ses moindres détails 

    par cette femme dont la main

    gauche tremble

    rien qu'en y repensant 

    et au bout une cigarette slim

    qui fume jusqu'aux ongles mauve

    gothique de sa meilleure amie 

    déjà en train de regretter 

    ce séjour dépressif all inclusive 

    Plus loin au bord de ces amas 

    de roches qui bientôt cesseront 

    de s'aboucher avec l'eau

    une jeune mère de famille 

    répond à sa fille 

    la voix lasse d'une chanteuse 

    de LA sous Fentanyl

    La fillette hurle 

    " J'ai ramassé cinq cailloux 

    pour toi en une seule 

    journée tu te rends compte "