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Lubies - Page 13

  • Filer droit

    C'est toujours le lundi

    que ça se passe

    et je marche

    en laissant dans mon dos

    les hauteurs de craie

    de la butte Montmartre

    N'empêche

    Il suffit que je me retourne

    comme un enfant

    qui déjà regrette

    sa pulsion de fugue

    que je me retourne à peine

    quelques secondes sur

    les premiers contreforts

    de cette colline urbaine

    de pacotille

    pour qu'enfin la plaine

    peu à peu m'apparaisse

    et bientôt son atmosphère

    ses parfums sa lumière

    son clair-obscur

    ses ombres

    C'est toujours le lundi

    que m'apparaissent

    ces enfants et ces femmes

    des visages de suie et de sueurs

    des mains et des bras

    qui fouillent les poubelles

    triturent dans le passé

    honteux de la ville

    avec des façons d'automate

    C'est toujours sous les regards

    torves indfférents

    de la foule

    venue s'assommer

    une dernière fois

    sous le soleil des terrasses

    les doigts repoussant

    les fantômes de l'été

    à la lisière

    de leurs empreintes

    digitales

    C'est toujours début septembre

    Le passé est encore

    un endroit dangereux

    Avant que l'automne

    recommence à filer droit

    il faudrait qu'il pense

    à ne rien oublier derrière

  • Châtiments cruels

    Jusqu'à demain

    me dit-il

    le petit tribunal

    mélancolique

    va cafouiller du Nord au Sud

    en rentrant la tête 

    dans les nuages

    Plus qu'une seule question

    comme une jeune brise

    assez violente

    pour faire bruisser

    le feuillage 

    des pruniers sauvages

    où nos mains 

    s'exerçaient au plaisir

    Oui 

    plus qu'une question

    qui tremblera sur nos lèvres

    dans l'odeur du fumier

    et le souvenir

    de tous ces tours

    pour magiciens de cheminée

    qu'un grand-père

    sortirait  soudain 

    de sa manche

    mais il est trop tard

    Beaucoup trop tard

    Est-ce que les souvenirs d'enfance

    et la rumeur des vaches

    dans l'étable

    au moment où ton père 

    d'abord nourrit

    ses bêtes

    commence à faire têter les veaux

    oui

    est-ce que les souvenirs d'enfance

    et tous ces bruits

    ces parfums ces odeurs

    ces gestes forgés

    par l'habitude

    au sceau du savoir-faire

    avec lesquels

    il y a de cela une semaine

    pourtant

    on ne sentait

    plus en affinité

    oui est-ce que les souvenirs d'enfance

    qui remontent dans le temps

    après cette sorte de chute

    sur la tempe

    sont des châtiments cruels

    alors que dès demain

    il faudra de nouveau apprendre

    à en finir avec tout ça ?


     

  • Romances nerveuses

    Ces choses-là me dit-il 

    doivent bien arriver 

    plus souvent qu'il ne semble 

    et à d'autres

    Depuis une semaine 

    mes mains se réveillent

    avant moi

    avec cette urgence 

    d'un coureur de cent mètres 

    qui plonge sur la ligne 

    d'arrivée 

    alors même que plusieurs 

    tours d'avance 

    le mettent à l'abri 

    d'un impossible

    retour du peloton

    Ces choses-là 

    je suppose 

    arrivent quand ma bouche 

    est encore 

    à mâchouiller 

    la trame de carton pâte 

    d'un cauchemar 

    qui maraudait

    dans les parages 

    en ayant pris soin 

    de tuer dans l'oeuf 

    les nuances éventuelles 

    d'une histoire seulement faite 

    pour occuper l'espace 

    comme une poule 

    piétine le temps 

    On voudrait comprendre 

    les leçons qu'a bien pu

    tisser la nuit 

    sur sa toile d'araignée 

    et déjà elle se déchire

    Quand je rouvre les yeux 

    trop tard

    mes mains vivent 

    leurs double vies d'espionnes

    infiltrées en territoire 

    ennemi

    J'imagine qu'elles miment

    des moments de pillage 

    silencieux 

    à l'unisson de ces bandes 

    perroquets sur l'épaule 

    radotant leurs romances 

    nerveuses

    qui peuplent 

    l'épais pelage 

    brûlant de fièvre 

    où nait rampe 

    et s'enfouit 

    la bête des sables 

    de la mélancolie