Filer droit

C'est toujours le lundi
que ça se passe
et je marche
en laissant dans mon dos
les hauteurs de craie
de la butte Montmartre
N'empêche
Il suffit que je me retourne
comme un enfant
qui déjà regrette
sa pulsion de fugue
que je me retourne à peine
quelques secondes sur
les premiers contreforts
de cette colline urbaine
de pacotille
pour qu'enfin la plaine
peu à peu m'apparaisse
et bientôt son atmosphère
ses parfums sa lumière
son clair-obscur
ses ombres
C'est toujours le lundi
que m'apparaissent
ces enfants et ces femmes
des visages de suie et de sueurs
des mains et des bras
qui fouillent les poubelles
triturent dans le passé
honteux de la ville
avec des façons d'automate
C'est toujours sous les regards
torves indfférents
de la foule
venue s'assommer
une dernière fois
sous le soleil des terrasses
les doigts repoussant
les fantômes de l'été
à la lisière
de leurs empreintes
digitales
C'est toujours début septembre
Le passé est encore
un endroit dangereux
Avant que l'automne
recommence à filer droit
il faudrait qu'il pense
à ne rien oublier derrière