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Lubies - Page 67

  • La manufacture des plaines grasses...

    J'ai passé à peu près une demi heure, me dit-il, à faire les cent pas devant le portail de la ferme. Le chien avait beau japper son salut matinal, mon père ne m'ouvrait toujours pas. Comme tout bon citadin vacancier qui ne respecte plus ses origines paysannes - quand on n'a jamais travaillé la terre, on évite de faire le malin à ce sujet-là. Donc...-, j'avais encore manqué l'heure où le troupeau s'en retourne à la manufacture des plaines grasse, là-bas, pas loin. Ces prairies communales qu'ici on nomme les prés mouillés. Pas loin, mais là-bas quand même...

    Les vaches connaissent le chemin. Elles le connaissent par cœur. Ce sont des animaux faits d'habitudes, les vaches. Leur existence broute et rumine dans un système en circuit très court ou un peu plus long, tout dépend de ce à quoi elles se destinent. Ça sort, à heure fixe, pointer à l'usine à oubli des trèfles et des luzernes. Ça rentre à l'étable, toujours aux environs de 18 h et des poussières, afin que leurs veaux, dont certains ne tiennent pas encore tout fait debout, tètent, pendant qu'une collation de regain ou de fourrage plus ordinaire leur sera servie, à petits secouements de fourche. Et puis ça rumine sur l'absurdité utilitaire d'un monde sous peu promis à l'abattoir. Et puis, enfin, elles s'endorment, bercées par le petit trafic des rats qui trottent leurs humeurs sombres sur les mangeoires...

    Je m'en voulais un peu de m'être réveillé bien après les montagnes, déjà en train de balayer les nuages. Il y a des matins où l'on se sent comme un oiseau qui vient tout juste de décider que non, non et non, il ne migrera plus en automne. Des matins où le premier café devrait pourtant vous indiquer la marche d'amertume à suivre, sauf que...On allume une cigarette dont on sait qu'elle finira par se fumer toute seule, en allant se perdre dans la brume qui monte de la route humide. Une odeur de bouse sèche qui emplit l'air...

    J'ai passé à peu près une demi heure à faire les cent pas devant le portail de la ferme. C'est à peine si j'ai entendu mon père qui arrivait dans mon dos, juché sur sa vieille bicyclette, un bâton à main droite et son béret toujours vissé tout de travers...

  • ...

    Parfois
    me dit-il
    je pêche
    à la truite
    dans mon
    café
    N'allez surtout
    pas croire
    que mon café
    n'est qu'un
    tout petit 
    monde
    Tout d'abord
    mon café
    possède
    l'énergie
    des mécaniques
    populaires
    Pour finir
    il est tout à fait
    capable
    de prendre 
    la forme
    d'un vase
    plein de roses
    et de tendresses...

     
  • ...

    Je donnerai un millier
    d'années d'évolution
    pour boire une bière
    avec cet écureuil
    qui me nargue
    et la serveuse atrabilaire
    me raconte
    que cette saloperie d'animal
    fait le coup
    au premier touriste
    qui s'efforce de chasser
    à l'approche
    tout son sale
    petit rituel de pensée
    magique
    dans les promesses
    forcément abstruses
    de l’hôtellerie
    de proximité
    La serveuse me raconte
    puisqu'elle n'a que moi
    sous la main
    comment les play-boys viennent
    même d'Angleterre
    et en moto parfois
    pour se guérir des blondes
    Je suis en manque de sommeil
    et si je ne manquais
    que de ça...
    La serveuse allez tiens
    il est temps que je lui laisse
    la parole...
    " en plus
    c'est écrit dans un journal
    de Paris
    qu'ici la table est bonne...
    Je vous refais un café,
    monsieur,
    mais un qui réveille..."
    La serveuse parle
    On dirait une licorne
    qui révise
    le bac
    près d'une boîte à chaussures...
    "...mi-cuit de foie gras
    sa brioche et sa verrine..."
    La serveuse parle comme
    le train que tu prends
    tous les jours...