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Lubies - Page 4

  • Temps réglementaire

    Dans le ciel orange 

    où ce samedi matin

    étire les bras

    pour raccompagner 

    les ombres 

    aux portes de la ville 

    deux commentateurs

    sportifs bombent 

    le torse entre

    deux effets 

    de dramatisation 

    et pendant que l'équipe 

    de Nouvelle-Zelande

    d'abord 

    donne la réplique 

    à celle d'Australie 

    laquelle ensuite 

    lui répond 

    dans cette comédie 

    du rugby tendue 

    sur son fil

    mâle et innocent 

    je repense à cette matinée 

    il y a fort fort longtemps 

    Un autre match

    de rugby

    Une autre matinée 

    qui n'a pas encore 

    fini de cuire 

    Mon oncle oublie 

    les tartines 

    dans le grille-pain 

    Des noisettes 

    de beurre demi sel

    viendront bientôt 

    bronzer dessus 

    La rencontre  

    s'égare dans la brume 

    des terres et sur une

    île lointaine du pacifique 

    je ne sais plus

    qui joue qui gagne 

    Tout ce dont

    je me rappelle aujourd'hui 

    c'est seulement

    des bourrades enthousiastes

    de mon oncle 

    Et du plus loin 

    de l'oubli 

    elles font écho 

    aux rugissements

    qui montent du stade

    où le match 

    se dispute ce jour

    Ça fera 28-24 pour l'Australie 

    au bout du suspense 

    ce matin 

    Ça fera bientôt quatre ans

    que mon oncle 

    a été battu 

    par un cancer 

    avant la fin du temps

    réglementaire 

    Aucun souvenir 

    ne devrait perdre 

    sa famille deux fois 

  • Cet endroit un peu vide

    Cet endroit un peu vide

     

    Salut-salut la poésie...

    quand arrêteras-tu

    de faire semblant

    de pleurer

    le spectacle de la mort

    et les malheurs

    de tout ceux dont l'ombre

    s'efface toujours après

    tes mots qui s'attroupent

    comme une foule menteuse

     

    Salut-salut la poésie...

    les pauvres gens

    n'ont pas besoin

    qu'on s’apitoie à leur place

    Peut-être tu te figures

    qu'en feignant de leur

    donner la parole

    tu retarderas ce moment

    où leurs corps rejoindront

    définitivement la poussière

     

    Peut-être es-tu naïve

    à ne pas croire

    Peut-être es-tu innocente -

    alors qu'il n'y a plus

    d'innocence.

    Que toute cette innocence

    pour de faux

    c'est juste du commerce

    qui revient te visiter

    périodiquement

    sans rien rapporter

    à personne -

    oui peut-être es-tu

    faussement innocente

    au point de te convaincre

    qu'en faisant descendre

    un peu de chaleur

    sur leurs visages

    de bêtes presque mortes

    tu empêcheras leur souffle

    glacé et blanc

    de se perdre

    dans le silence et le néant

    des bouches du métro

    qui ne s'ouvrent même plus

    pour eux

     

    Salut-salut la poésie...

    t'as pas envie de faire

    un truc utile

    pour une fois

    au lieu de te demander

    si les mots de tous

    ces autres

    qui ne sont pas toi

    sont feints ou véritables?

     

    Est-ce que le soleil

    qui se couche devant

    tes petits cercueils

    sur mesure

    où tu voudrais que le monde

    cet endroit un peu vide

    vienne trouver le repos

    n'est pas le seul

    écrivain véritable ?

     

    Salut-salut la poésie...

    n'attends pas que la terre

    finisse par te reprendre

    c'est déjà pas si mal

    qu'elle consente

    à te recevoir

    Oublie ta grandeur

    ta beauté ridicule

    le nombre et la puissance

    qui te manqueront toujours

    Mets un gigot de sept heures

    à cuire

    carafe un peu de vin

    ça prend cinq minutes

    Oui rends-toi un peu utile

  • Orages d'été

    C'est toujours pareil...
    On chemine tous
    entre le brouillard
    et d'étranges clartés

    On quitte l'école 
    toujours un peu
    trop vite
    Il y a cette envie
    le désir farouche
    et un peu vain
    de faire partie 
    d'une troupe
    un peu plus joyeuse
    que les autres

    Faire corps avec elle
    comme on plonge
    dans des eaux plus neuves
    et plus vigoureuses
    et qui grondent 
    en osant défier les orages
    de l'existence

    C'est toujours pareil...
    Tout ce que tous les autres
    ont à vous proposer
    s'énonce 
    d'où qu'on regarde
    comme des stances de mort 
    qui pourraient bien
    faire pleuvoir
    des ruisseaux morts
    sur notre petite flamme

    C'est toujours pareil... 
    On se berce d'illusions
    alors qu'on sait
    à peine danser
    On apprend à dire :
    je t'aime
    La première fois qu'on dit
    une chose pareille
    on sent et c'est confus
    que le coeur n'est pas là
    pour être ici
    où les pulsations de la vie
    se pensent
    On comprend que les battements
    de nos coeurs se méfient
    du mot " penser "

    Penser voilà un mot
    trop grand pour mourir
    On a tôt fait
    de changer de visage
    Nos traits se durcissent
    On apprend à dire :
    Je ne t'aime plus
    voire plus du tout
    Ou pas autant 

    Alors arrive l'heure
    de nous complaire dans la souffrance
    Un ami a beau vous instruire 
    sur cette histoire d'angoisse
    qui permettrait à l'être
    de sortir du néant
    chacun se met à porter
    son petit masque blanc

    Chacun voudrait faire croire
    au monde
    qu'on peut très bien 
    être heureux de son 
    petit malheur
    Parfois même
    se vante la larme acide

    de jeter dans l'indivision

    la joie des autres

    de prescrire le saut

    en parachute

    comme antidépresseur

    C'est toujours pareil...
    On prétend écrire de la poésie
    mais on n'est pas plus
    poète
    que le pigeon n'est carnassier

    D'où qu'on regarde
    le brouillard qui nous enrobe
    les feuillages touffus
    où on rêve encore de dire:
    je t'aime
    pour la première fois
    les étranges clartés
    que les rencontres de pur hasard
    tourneront peut-être
    vers un ciel plus neuf
    oui d'où qu'on regarde
    il n'y a aucune raison
    que ce pareil au même
    finisse par changer...