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Lubies - Page 2

  • Désherbage

    Décembre et nos rêves d'enfant 

    tentent comme le veut l'usage 

    en vigueur depuis une certaine idée 

    de la crise de la quarantaine 

    rituel de pensée magique 

    aussi chronicisé qu'un toc

    oui tentent de renouer

    avec leur voix profonde 

    mais encouragés de plus en plus 

    à vivre l'instant 

    de tous ces affects tristes

    ne permet guère de profiter 

    de la présence simple et silencieuse 

    d'un samedi de café refroidi 

    par le report de l'aspirateur

     à passer des courses à faire

    Si j'écrivais de la poésie 

    l'hiver qui apparaît furtivement 

    entre deux cintres 

    alors que les nuages désherbent

    un peu leur penderie 

    me dicterait sans doute

    un haïku d'une tendresse inouïe 

     

  • Inventaire

    Pour lui l'existence n'aura jamais été 

    ce parcours du combattant peu glorieux 

     engoncé d'un peu de ça de chasseur brutaliste

    expert en mondanités quand même 

    et d'un peu de ci cueilleur d'émotions 

    sitôt qu'elles s'estimaient à tort 

     enfin à l'abri sur l'épaule d'un autre 

    soucieuse avant tout de pillage économique 

    Pour lui les jeunes gens modernes 

    qui se sont mis à sortir de terre

    essaimant d'un peu partout 

    très au dessus des masses 

    au milieu des années 80

    poussant le chic d'un slogan

     publicitaire jusqu'au sommet 

    des programmes politiques 

    ne formaient qu'une bande hétéroclite 

    leurs noces un peu tristes 

    s'affaissant chaque nuit un peu plus 

    sous d'étranges boules à facettes 

    Je le recroise encore 

    quand je rentre au pays 

    où la mélancolie m'empêche 

    de retourner vraiment 

    Il bat la campagne défaite

     depuis longtemps par les rentabilités

     à quatre roues motrices 

    Parfois il s'arrête 

    pour me toucher la main 

    me serrer dans ses bras

    comme un arbre tente de retenir 

    une passée de paroles 

    dans ses branches

    Il y a bien de temps en temps 

    deux trois étourneaux

    qui murmurent leur envol vers la forêt 

     cernée de signes annonciateurs

    Mais les larmes trop rares

    s'épuisent à adoucir

    nos petits plis d'amertume 

    Et il me laisse repartir 

    labourer mon champ de ruines 

  • Taons


    Pour quelle raison alors que le monde

    pourrait se remettre à nous faire peur

    pour de bon pour de vrai 

    et toutes ces odeurs de merde 

    de ressentiments de haine 

    avec quoi certains beaux esprits 

    seraient presque tentés de s'emboucaner la tête 

    oui mais " presque " et " certains "ça ne fait pas

    non pas encore pas encore 

    une majorité hurlante et trébuchante 

    pour quelle raison ce souvenir d'enfance 

    revient-il soudain se frotter entre mes jambes 

    comme un vieux chat roule à vos pieds

    ronronne son petit code social félin 

    pour aposer sa marque reprendre 

    le territoire de ces tendresses minuscules 

    oubliées perdues par nos mains nos pattes 

    distraites entre l'aube et les fatigues ?

    Oui pourquoi me souvenir brusquement 

    et précisément ce matin 

    de cette séquence où j'ai 5 ans assis en larmes 

    à l'avant d'une bétaillère et un jeune taureau 

    à l'arrière rue et se fracasse la tête les cornes

    ses naseaux écumant de rancune ?

    Dehors c'est l'été en altitude et les pentes 

    de la montagne à vaches sentent la myrtille 

    le cuir du troupeau mâché par les piqûres 

    d'insectes des taons surtout 

    Dehors mon père explique au berger 

    qu'il l'envie lui et sa solitude 

    qu'en bas dans les plaines les gens parlent

    beaucoup trop fort qu'ils s'échauffent les uns

    après les autres et moi j'ai 5 ans 

    et nous sommes en 1975