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  • Miscasting...

    Ça commence par la sonnerie,

    un peu déçue,

    de ton vieux téléphone.

    Le téléphone finit

    par trouver refuge

    dans une tasse

    de café noir.

    Les vacances approchent

    à mesure que le jour baisse.

    Et puis on dirait 

    soudain

    que ta vie ressemble

    à un bureau fantôme.

    L'espace se dépeuple,

    peu à peu,

    comme le regard

    d'une actrice,

    après un miscasting

    de trop.

    Ce n'est pas comme si

    les êtres et les choses

    te manquaient.

    Non.

    Ils semblent avoir disparu

    et même

    depuis très longtemps.

    Aucune trace

    de toutes ces choses

    suffisamment personnelles,

    ces choses avec un air 

    de choses qui ne servent

    plus,

    ces choses qui prennent

    les poussières

    comme on prend le soleil.

    Ces choses

    qui n'ont pas ménagé

    leurs efforts

    pour justifier ton existence

    autour de toi....

    Ça commence comme ça

    et puis ça se termine 

    par une image

    presque anodine.

    Un vieux chien

    de berger

    en train de mordre 

    la queue

    d'un poisson chat.

    Et l'on suppose

    que le monde regrette

    d'avoir perdu le goût

    des compositions allégoriques...

     

    (photo Frédérick Jeantet)

  • Pure perte...

    J'écrivais tous les jours...

    Chez le fanatique

    subsiste toujours

    un doute...

    J'écrivais étendu

    sur vos pelouses,

    la lune entre les dents...

    Il y a eu des espions

    dans ma vie,

    qui regardaient

    pousser les bambous

    à l'ombre d'un soupçon

    parfumé à la fleur

    blanche...

    J'écrivais tous les jours

    et mes lèvres étaient

    toutes déconcertées

    à la seule idée

    que mon besoin

    de reconnaissance

    reviendrait me tatouer

    les aisselles.

    Une idée un peu sotte

    mais une idée

    pour la route...

    Est-ce de toi

    que je tiens cette histoire

    où un tigre de papier,

    plutôt maigrichon,

    rêvait à voix haute

    de revêtir le maillot

    des lions britanniques...

    J'écrivais tous les jours.

    Rien n'est installé

    durablement.

    Tout reste en vrac,

    comme si nous n'étions

    que de passage.

    J'écrivais tous les jours...

    Adieu à trop d'ingrédients

    chimiques.

    Adieu aux gels douche

    trompeurs...

    J'écrivais en pure perte...

     

    (photo Frédérick Jeantet)

     

  • Juste avant les rapides...

     

     

    Quelques fourmis rouges...

    Parc Martin Luther King,

    de nos jours,

    aux confins des Batignolles.

    Une fille qui de loin

    ressemble vaguement

    à Juliette Binoche,

    s'apprête à crier:

    Moteur...

    J'ai bien regardé.

    Sur mon bureau fantôme

    l'idée d'une bougie

    venait de s'éteindre.

    J'ai bien regardé,

    on en comptait

    au moins quatre.

    Quatre fourmis rouges,

    sur un tronc d'arbre,

    tricotait

    à la laine Pingouin

    une suite de calembredaines

    folkloristes...

    Moteur demandé...

    De nos jours,

    sous le débardeur prune

    de cette fille

    en manque de tabac blond

    de Virginie occidentale

    et d'accessoiristes

    n'aimant pas qu'on leur chante

    une autre chanson

    que celle du

    «bricoler des combines

    à pétrole

    et mourir au pied

    des marches»,

    prospère une poitrine

    opulente

    dont les ruses qui renardent

    un peu,

    vers la pointe sud

    des tétons,

    ruminent des petites proses

    à quitte ou double...

    J'ai bien regardé.

    J'étais encore jeune.

    A l'époque, j'aurais pu

    largement concevoir

    qu'on me quitte

    comme une femme

    aussi laide que l'histoire

    de l'Antiquité tardive

    écrite à la sauvette

    sur une serviette

    de bain

    louée à la semaine.

    Oh mais pourvu

    qu'on me laisse disputer

    le restant de ma vie

    sur des billards instables.

    J'ai bien regardé

    et pendant que j'achevais

    de me convaincre,

    j'y croyais dur comme fer,

    que les chemises en lin

    réussiraient bientôt

    à sauver le monde,

    peu à peu

    je me suis mis à regretter

    de n'avoir pas vécu

    toutes ces histoires

    que la jeunesse

    n'avait pas su me raconter

    à temps...

    Moteur!

    Parc Martin Luther King.

    De nos jours.

    Aux confins des Batignolles

    où le principe suprême

    de la pensée architecturale

    écolo futuriste

    qui écrase l'endroit

    du haut de ses immeubles

    à la grandiloquence

    enfin présentable,

    proclame

    qu'elle ne peut plus voir

    le malheur en peinture,

    qu'elle est tout à fait

    incapable

    de donner du sens

    au tragique,

    repoussé à grands renforts

    de murs végétaux

    et de maisons sans déchet

    en périphérie lointaine,

    là où, qui sait,

    une poignée de gamins

    un peu plus mal aimés

    que les autres

    sauront toujours

    lui refaire le portrait...

    J'ai bien regardé.

    La règle du jeu

    était simple.

    On vise la tête.

    On tire en plein cœur.

    On a beaucoup de chance.

    Ou alors c'est à l'un

    de ces petits coups de pouce

    du destin

    qu'on doit seulement ça.

    Plus tard,

    cette voix chuchotée

    depuis un trou de verre,

    absurde et paradoxal,

    nous démontrerait,

    une dernière fois,

    jusqu'à quel point

    nos sens

    nous illusionnent,

    puisque le destin,

    l'un dans l'autre,

    ça doit ressembler

    à un vieux kit de survie

    élémentaire,

    congelé dans les boues

    du paléolithique...

    Sont-ils roses,

    les tétons de cette fille

    qui rêve de faire

    du cinéma,

    oh mais juste un film,

    rien qu'un seul,

    du cinéma

    comme on s'allonge

    dans le lit d'un fleuve

    juste avant les rapides;

    roses,

    comme s'ils n'étaient

    que de passage

    devant ce genre de miroir,

    vous savez,

    où rien, en fin de compte,

    ne va de soi?

    Sont-ils suffisamment bruns,

    au contraire,

    suffisamment bruns

    pour rejoindre

    le cœur ardent

    de la nuit,

    suffisamment bruns

    après qu'ils aient fait l'amour

    à grandes enjambées

    bruyantes,

    suffisamment bruns

    pour mieux s'établir

    dans le silence?

    Et auront-ils,

    les tétons de cette fille,

    une tautologie

    qui me semble aujourd'hui

    bien lointaine,

    auront-ils,

    à la fin de leur pointe

    sud,

    le director's cut?

    Nul ne le sait.

    Et en même temps,

    je crois bien

    que tout le monde s'en fout...

    J'ai bien regardé.

    Le jeu était praticable

    sur tous les terrains

    de la galaxie en flammes

    d'Alfa Centauri,

    cette étoile un peu spéciale

    et pas spécialement

    à cause

    de sa proximité avec le soleil,

    d'Alfa Centauri

    à Conques-sur-Orbiel,

    qui n'a rien de remarquable

    en dehors du fait

    qu'il s'agit peut-être

    de la seule commune

    de l'Aude

    où je n'ai jamais jugé

    utile

    de tomber amoureux,

    pour ou contre

    les vestiges

    d'un pilier de porte...

    Parc Martin Luther King.

    Une fille de nos jours,

    s'apprête à faire

    un film avec tout ça...

    J'ai bien regardé.

    La pluie

    et toutes ces boues

    dans l'oeil,

    Le soleil et une multitude

    de peaux en sueur.

    J'ai bien regardé.

    Le jeu se pratiquait

    sur tous les terrains

    de la galaxie

    où naître

    avec des ailes ou pas.

    Il suffisait,

    en résumant les choses

    à gros traits

    et par négligence de style,

    il suffisait

    d'apprendre à faire partie

    de cet endroit

    dans un anonymat

    chaleureux.

    Quelques fourmis rouges.

    J'ai bien regardé,

    on en comptait

    au moins quatre...