En aval d'une contraction brusque...
L'Amour, me dit-elle,
est une peau.
Au commencement,
pour conserver
une belle qualité de peau,
il n'y a pas de miracle:
il faut les caresses
d'une voix.
Il faut, aussi et surtout,
qu'on cesse, séance tenante,
de considérer
les vieux mélos
de la Fox
comme une ode éperdue
à la naïveté...
Je suis née une première fois,
au milieu
des années quatre-vingt.
Dans les parfums d'apocalypse
et tout le mauvais sang
de l'ancien monde
pissé par-dessus
les grands canyons arides
des bars de nuit
aux mille et une
arrières-salles voûtées,
climatisables.
Et c'était une suite
de jets ronds
en aval d'une contraction
brusque.
A cette époque,
tu peux me croire,
On n'avait pas de temps
à perdre,
chaque minute comptait.
Oui...
Sous d'étranges boules
à facette,
tapées à la machine
par les doigts nerveux
d'hommes qui,
à l'approche de la tempête,
sentaient bien
qu'il leur faudrait encore
mourir au petit matin,
avant de renaître
dans le trou noir des vanités...
Oui...
c'est vraiment là
que je suis née,
juste en face de ces hommes
qui venaient me regarder
danser
pour que je les tue
un peu moins vite.
Parfois, certains m'offraient
à boire.
Parfois, quand même, j'acceptais.
Quand on a failli tuer
un homme,
la moindre des choses,
c'est de le nourrir
ensuite
à petites becquées...