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  • En aval d'une contraction brusque...

    L'Amour, me dit-elle, 

    est une peau.

    Au commencement,

    pour conserver

    une belle qualité de peau,

    il n'y a pas de miracle:

    il faut les caresses

    d'une voix.

    Il faut, aussi et surtout,

    qu'on cesse, séance tenante,

    de considérer

    les vieux mélos

    de la Fox

    comme une ode éperdue

    à la naïveté...

    Je suis née une première fois,

    au milieu 

    des années quatre-vingt.

    Dans les parfums d'apocalypse

    et tout le mauvais sang

    de l'ancien monde

    pissé par-dessus

    les grands canyons arides

    des bars de nuit

    aux mille et une

    arrières-salles voûtées,

    climatisables.

    Et c'était une suite

    de jets ronds

    en aval d'une contraction

    brusque.

    A cette époque,

    tu peux me croire,

    On n'avait pas de temps

    à perdre,

    chaque minute comptait. 

    Oui...

    Sous d'étranges boules

    à facette,

    tapées à la machine

    par les doigts nerveux

    d'hommes qui,

    à l'approche de la tempête,

    sentaient bien

    qu'il leur faudrait encore

    mourir au petit matin,

    avant de renaître

    dans le trou noir des vanités... 

    Oui...

    c'est vraiment là

    que je suis née,

    juste en face de ces hommes

    qui venaient me regarder

    danser

    pour que je les tue 

    un peu moins vite.

    Parfois, certains m'offraient

    à boire. 

    Parfois, quand même, j'acceptais. 

    Quand on a failli tuer

    un homme,

    la moindre des choses,

    c'est de le nourrir

    ensuite

    à petites becquées... 

  • Tu venais de perdre ton ombre...

    Un jour, me dit-elle,

    tu finiras par comprendre

    qu'il y a deux choses

    primordiales

    dans la vie.

    Regarder et faire...

    Trois chagrins d'amour

    et une vraie-fausse dépression

    plus tard,

    grâce à une méthode

    simple,

    tu apprendras à écrire

    un scénario.

    Comme aurait pu dire

    John Ford: il était temps 

    que les cowboys

    apprennent à lire.

    D'ailleurs, au début,

    tu voudras principalement

    écrire

    des westerns.

    Principalement parce que

    tu as toujours cru,

    je te connais chaton,

    à l'idée d'un fantôme

    tout à fait inutile

    dans le regard de l'autre.

    Oh oui, je te connais 

    par cœur, chaton.

    N'oublie pas qu'on a failli

    s'embrasser,

    un soir,

    ce soir où tu dégageais

    cette aura lugubre,

    un soir

    entre Marx Dormoy

    et Sèvres-Babylone.

    Ma bouche sentait la mort.

    Un soir. Ce soir...

    Tu venais de perdre

    ton ombre...

  • ...

    Regarde, me dit-elle,

    comme le visage

    de la nuit

    lentement

    se désagrège...

    Personne ne va souffrir.

    Non.

    Tu vas pouvoir

    reprendre ta vie

    en main,

    peut-être....

    Regarde, déjà, nos corps

    ne sont plus

    ces peaux en sueur.

    Déjà,

    nos mains tirent

    le drap

    vers elles-mêmes.

    Déjà...

    Ne t'inquiète pas.

    Personne ne va souffrir.

    Reprends ta vie.

    Je garderai la mienne...

    Regarde, me dit-elle,

    le matin qui avance

    en prenant soin

    d'effacer

    nos dernières traces.

    Regarde le matin 

    qui avance

    comme la mémoire

    nous quitte

    et pas grand chose

    à consruire

    avec si peu

    de ça...

    Tu vois...

    Je ne revois jamais

    les films.

    A quoi bon, d'ailleurs,

    quand le mot 

    de la fin,

    pour le genre qui 

    nous concerne,

    ne pourra jamais s'écrire

    qu'à l'encre sympathique. 

    A quoi bon...

    Je suis trop jeune

    pour me laisser prendre

    à ces vieux trucs

    d'espion. 

    Tu n'as plus l'âge

    de jouer à ces jeux-là...

    C'est à peine si

    je me souviens

    de tes petits coups

    de langue, tellement

    nerveux, sur mes lèvres

    tellement...

    Tu vois, c'est un signe...

    C'est à peine si...

    Cette façon d'embrasser,

    tellement abrupte,

    tellement violente,

    C'est à peine...

    Tellement rêveuse.

    Personne ne va souffrir.

    Je n'ai pas encore

    envie

    de quelqu'un pour m'aimer

    doucement. 

    Non.

    Personne ne va souffrir...