La passion n'est qu'une coïncidence,
me dit-elle,
dans ce train qui achève sa nuit
comme il peut,
en gare du Val d'Or...
Le long du quai, à main gauche,
d'ailleurs,
quelques touffes d'orties
rescapés de la grande dépression.
Et sinon, des rêves
de banlieue chic ordinaire
qui s'apprêtent à rejoindre leur migraine...
Un sac plastique roule une pelle
à une pauvre bouteille
de bière.
Le vent, à ce moment là, est ce qui
s'apparente le plus au silence.
Dans une heure ou deux,
à peine,
il va se mettre à sculpter
la peau de l'aurore.
Et tout sera pardonné...
Ma bouche ressemble à un sachet
de Tang,
mais plus personne ne sait de quoi
je parle.
Le train repart. Des volets claquent
à la sauvette.
Une fenêtre s'ouvre péniblement.
Il y a cet homme, en peignoir et,
au pied,
des Stan Smith avec des lacets
bleu turquoise.
Il fume par le nez.
Se gratte la tête.
Encore un solitaire qui doit
préférer la compagnie des chiens
à celle des hommes.
J'ai toujours eu peur des chiens,
me dit-elle,
mais quand même...
J'ai toujours cru que mon destin
était d'atteindre les étoiles,
pas vous?
La passion n'est qu'une coincidence
et la veille, alors,
elle a eu une dispute avec son amoureux.
Ensuite, bizarrement, elle s'est sentie
la cuisse plus légère.
Ensuite, elle a eu envie de caresser
cette chose bête et sale,
mais quand même...
Envie d'un garçon aussi perdu
qu'elle,
et ses mains capables, pour quelques heures,
d'étrangler ses opinions un peu surfaites
sur l'amour,
cette fable qui est un éloge à la fidélité
mais dont la morale lui échappe
parfois...
La passion n'est qu'une coïncidence,
me dit-elle,
et le train roule
dans cette sorte de fantasme,
où, vous savez, après la pluie,
le ciel se mettrait à vomir
des arcs- en ciel...