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  • Notre petit empire des signes...

    Et voici la sensation

    la plus simplissime du monde :

    notre espace poétique vital,

    situé sur toutes les cartes

    très exactement à l’ouest

    du méridien venu boire au ruisseau

    où les cerfs d’au moins dix cors

    ont  décidé, un jour, d’en finir

    de manière radicale avec le hooliganisme,

    oui alors, notre espace poétique vital,

    situé pour faire plus simple…

    je me doute que le temps

    vous manque, que vos enfants

    n’en peuvent plus de ne pas faire leurs nuits,

    puisque tout se sait dès le ventre de maman

    et que ça vous apprendra à écouter des chansons

    un peu trop sophistiquées et qui tortillent

    mollement des fesses dans leurs fringues moches

    parce qu’après tout ça occupe…

    oui, donc,

    notre espace poétique vital

    situé comme c’est su d’à peu près

    toutes et tous,

    entre la caisse du chat

    et le dernier rêve érotique

    de ta voisine qui ne voit plus très loin

    et commence à mal entendre,

    se réduit, jour après jour,

    d’avantage.

    Mais quelle importance,

    tant que le populisme s’accroche

    à notre petit empire des signes

    et que le chômage,

    ses rousseurs et ses rouilles,

    tient bon.

     

    (photo Yves Malenfer)

     

  • Au moment d'amorcer les choses...

    Les biscottes qui s’effondrent

    dans tous ces dimanches

    ébréchés par nos certitudes,

    la voilà ma part de sacré…

    Tu me parles toujours,

    dès que tu peux,

    qu’on est resté à boire

    tant qu’on a pu,

    en louvoyant dans la maison

    des miroirs,

    oui, tu me parles toujours

    de cette brune d’Irlande

    avec laquelle tu t’y prenais

    assez mal

    au moment d’amorcer

    les choses…

    Des mois à reculer devant l’inacceptable

    et mon dieu que le romantisme aille

    se faire enculer,

    une bonne fois pour toutes…

    Moi aussi, tu sais,

    j’ai eu, comme tout le monde,

    mon lot de petits désastres

    intimes.

    Et comme tout le monde,

    dans un film de Philippe Labro,

    je me suis efforcé

    d’avoir l’air d’être heureux

    de mon petit malheur,

    conformément au mythe…

     

    (photo Olivier Sarfati...)

  • Donnez la nuit...

    La plupart des événements…

    Cela peut entraîner une différence

    notable

    dans la qualité du film,

    mais la caméra cesse de tournoyer

    et les machinistes en profitent

    aussitôt 

    pour s'inviter à la mise en scène. 

    Sur l'écran de contrôle:

    toujours cette course poursuite

    sur une route de terre

    et partout,

    il y aurait des cigales

    en train de craquer

    nerveusement

    sur leur boite d’allumettes…

    oui, la plupart des événements

    relatés dans ce poème

    sont inexacts.

    L’auteur, cependant, a cherché

    à faire œuvre d’historien...

    Rêvé que Michel Beaune

    s’invitait lui-même à sa communion solennelle.

    Deux semaines, déjà, qu’il était revenu

    d’entre les morts

    et chacun dans sa chacune

    ou vice inversé

    célébrait, comme il se doit,

    le grand acteur que ça avait été,

    cet homme ordinairement beau

    avec son regard

    aussi mélancolique et imparable

    que le bleu du rêve.

    Voilà…

    Il s’excuse, en outre,

    l’auteur,

    auprès des personnes

    qui, à leur insu,

    porteraient l’un des noms

    empruntés pour désigner

    certains personnages

    du dit poème

    avec lesquels

    elles n’ont, bien sur,

    aucun rapport…

    Alors comme ça, me dit-elle,

    tu es revenu.

    Mais c’est trop tard

    et ça suffit!

    Donnez la nuit

    que l'auteur de ce machin

    se prenne un peu

    les pieds dedans.

     

     (photo Frédérick Jeantet)