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Lubies - Page 97

  • Et il pleut dans ma bouche...

    Il était une fois

    une fille

    et il pleut 

    dans ma bouche. 

    Comme j'essaye

    de retrouver le goût

    du secret

    à l'abri de la bande

    d'ombre

    de la maison d'en face,

    elle s'approche

    et alors le silence

    refuse son rôle

    de victime passive.

    Elle me dit:

    écoute, je sais ce qu'on

    raconte.

    Je sais ton arrogance

    de joueur de squash,

    numéro trois

    mondial

    au classement ATP

    de toutes les conneries

    à faire,

    la jeunesse en long drink

    puisque vivre,

    souvent, c'est de la triche

    et qu'on supporte tout ça

    en faisant l'autruche. 

    Je sais pour ton

    narcissisme

    d'ex rouleur de pelles

    à quatre heures du matin,

    quand on est démuni

    et qu'il faut encore

    grandir

    à marche forcée,

    quelque part

    dans les années quatre-vingt.

    Je sais que tu embrasses

    trop mal, 

    en plus.

    Que ta langue devient

    nerveuse

    par-dessus les murmures

    alors que la lune

    aimerait nous montrer

    la route. 

    Je sais qu'à tout moment

    la nuit peut tuer

    le rêve que tu attendais

    dans le regard

    de l'autre...

  • Et comme ça jusqu'à l'embouchure de mes lèvres...

    Tout le monde racontait,

    me dit-elle,

    que ses yeux se mettaient

    à changer

    dès qu'on commençait

    à regarder dedans.

    Il me semble, oui,

    c'était la première fois,

    tu sais, lorsque...

    Oui, la première fois,

    leur couleur d'origine

    est venu ruisseler-

    partout autour, 

    je te promets que les corps

    et les visages

    ruisselaient de sueur,

    pourtant.

    Mais chez lui, 

    ça ne ressemblait à rien

    d'autre. A rien de connu.

    C'était même à mille lieues

    de tous ces lourds

    effondrements 

    qui se conjuguent

    du mieux qu'ils peuvent

    avec l'orthographe préconisée

    depuis 1990-,

    oui, la première fois,

    tu sais lorsque,

    alors leur couleur d'origine

    s'est mise à ruisseler

    le long de ses joues

    et comme ça

    jusqu'à l'embouchure 

    de mes lèvres.

    C'est fou, tu sais, son regard,

    pendant cette minute nerveuse.

    Comme un regard-mascara

    qui coulerait tout le temps..

    Ce regard, on aurait dit un acteur,

    me dit-elle.

    Mais un qui aurait pris la peine

    d'apprendre à marcher...

     

     
     
     
  • Mais nous sommes des fantômes...

    D'abord, me dit-il,

    il y a eu ce sourire.

    Un sourire et je me répétais:

    surtout ne te retourne pas...

    Et il n'avait pas peur

    de se réinventer sous la pluie,

    ce sourire flagrant comme un amour

    de jeunesse,

    malgré les désirs transhumants

    de la ville....  

    A tâtons mes lèvres avançaient

    vers une chope coiffée

    d'écume.

    Une de plus. Une de trop.

    Je crois que la nuit,

    déjà, 

    était en train de plaindre

    le vide.

    La pluie battait la bâche.

    Des gouttes d'une eau tiède.

    Aussi lourdes

    que les larmes du diable...

    Quelques amis levaient

    encore leurs verres

    en haut style,

    jusqu'à la bouche de métro

    la plus proche.

    Ils brandissaient des souvenirs. 

    Des souvenirs qui grinçaient

    sur le pavé luisant de solitude.

    On aurait dit de vieux héros

    sous cloche...

    Il y a dans cette idée

    un peu sotte

    de continuer la fête

    et même bien après l'extinction

    des derniers feux de la jeunesse,

    la croyance naïve

    qu'au moins pour quelques heures,

    enfin 

    la sueur respire.

    Mais nous sommes des fantômes.

    Qu'on naisse avec des ailes

    ou pas,

    nous volons désormais à contre-sens...

    D'abord, me dit-il,

    il y a eu ce sourire.

    Ça s'est fait comme ça.

    Et soudain j'ai eu envie de boire

    ma bière au goulot.

    Et je me répétais:

    surtout ne te retourne pas...