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  • Tueries de masse

    Plus je m'avance 

    du vent dans les bronches 

    sous le couvert où la forêt 

    tremble dans l'ombre 

    comme une lune

    dans sa flaque de boue

    plus mes émotions 

    se disloquent 

    les unes après les autres 

    Une pluie de balles molles

    qui ricochent

    au pied des troncs

    amorties en douceur 

    par le commencement 

    d'un tapis de feuilles 

    Terminent leurs courses 

    en roue libre à l'abri 

    des fougères rabougries 

    qui déjà annoncent

    l'automne et ses 

    tueries de masse

     

    Plus je m'enfonce 

    au devant

    de ces rumeurs 

    d'hostilités vagabondes

    plus les branches basses 

    s'accrochent mais 

    nul désir d'en découdre 

    Sans doute ont-elles 

    aussi peur que moi

    Peur qu'un matin 

    la terre ne sente plus 

    l'orage 

    Peur qu'un de ces soirs 

    prochains 

    en infériorité numérique 

    le ciel perde définitivement 

    l'usage de ses jambes 

    Peut-être aimeraient-elles

    me prendre 

    entre leurs bras

    dans cette douceur triste 

    et qui vous engourdit

    Peut-être...

     

  • Poème narratif

    J'ai enfilé ce matin 

    me dit-il 

    comme une chemise 

    avec des boutons 

    beaucoup trop gros 

    Certaines personnes 

    naissent 

    la colère au visage 

    les poings déjà serrés

    Parfois dans la ville 

    basse

    un café se met soudain 

    à ressembler 

    à un de ces villages 

    où les secrets 

    ne restent pas 

    longtemps enfouis 

     

    Je m'étais installé 

    en terrasse 

    pour fumer tranquillement 

    mon envie temporaire 

    de solitude 

    Et son voisinage taciturne 

    n'incitait pas 

    à la méfiance 

    Le passage 

    d'une voiture de police 

    a peut-être ravivé 

    de bien mauvais souvenirs 

    Ou c'était seulement 

    un de ces moments 

    dans la vie 

    quand taire ce qu'on

    n'arrive pas à dire

    menace de vous serrer 

    la gorge 

    au point qu'importe 

    si les mots se bousculent 

    dans un cortège 

    de paranoïa et de confusion 

    pourvu qu'ils offrent

    ce peu de souffle 

    De quoi respirer 

     

    J'avais tout juste 

    dix-sept ans 

    me dit-il 

    quand je suis monté 

    à Paris  

    Bien sûr il fallait se loger

    et moi au début 

    je dormais dans les squares

    J'étais débrouillard 

    j'ai fait serveur la nuit 

    J''aimais bien 

    J'étais assez beau garçon

    J'ai commencé une carrière 

    dans le X

    Plus les tournages 

    s'enchaînaient 

    plus j'avais l'impression 

    de jeter aux chiens 

    des morceaux brisés 

    de moi-même 

     

    Pour tenir le coup

    endurer le regard 

    des autres 

    Tenir les cadences 

    son nez était devenu

    un aspirateur à coke 

    L'homme de sa vie 

    avait voulu l'aider 

    à faire le ménage

    À mettre un peu de distance 

    entre leur nouvelle vie 

    et ses démons 

    Mais rien ne dure toujours 

    L'alcool ensuite 

    aussi étonnant que ça puisse...

    c'était une lutte à mort

    pour me bourrer le crâne 

    avec d'autres beaux

    mensonges 

     

    Aujourd'hui il rêvait 

    de devenir paysagiste 

    Depuis son dernier sevrage 

    chaque soir 

    il trompait son petit 

    troupeau de nuages 

    en marchand son bel

    amour perdu 

    sous les étoiles 

     

    Sans doute 

    ai-je eu envie d'être 

    encore plus bienveillant 

    que la moyenne 

    Alors je l'ai regardé 

    jusqu'au bout 

    faire le tri 

    dans ses poubelles 

    Il n'était que 7h30 

    j'en avais le droit  

    La journée ferait ensuite

     sa sale besogne 

  • Pouce

    Un jour alors

    c'est l'aurore

    on délaisse les plages 

    à leurs lionnes des sables

    L'histoire manque toujours

    un peu de muscles

    au moment de rendre

    hommage 

    à nos vieux amis

    imaginaires
     

    On revient voir du côté
    de ce monde rapide

    qui bleuit à la mort

    du plus insignifiant

    des lanceurs de couteau

    On s'asperge la bouche

    le visage 

    pour oublier qu'on voudrait

    être des oiseaux

    Et des plumes à la place 

    de nos cils 

    Bientôt des langues

    de chat 

    viendront laper 

    le peu d'insinuations

    que les regards chuchotent

    au matin reparti

    sur une piqure de mouche

     

    Un jour quand même

    le soleil est là

    jusque dans le saccage

    des feuilles

    Impossible

    de résister au spectacle

    absurde et brillant

    d'une ville qui suce

    son pouce