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  • Romances nerveuses

    Ces choses-là me dit-il 

    doivent bien arriver 

    plus souvent qu'il ne semble 

    et à d'autres

    Depuis une semaine 

    mes mains se réveillent

    avant moi

    avec cette urgence 

    d'un coureur de cent mètres 

    qui plonge sur la ligne 

    d'arrivée 

    alors même que plusieurs 

    tours d'avance 

    le mettent à l'abri 

    d'un impossible

    retour du peloton

    Ces choses-là 

    je suppose 

    arrivent quand ma bouche 

    est encore 

    à mâchouiller 

    la trame de carton pâte 

    d'un cauchemar 

    qui maraudait

    dans les parages 

    en ayant pris soin 

    de tuer dans l'oeuf 

    les nuances éventuelles 

    d'une histoire seulement faite 

    pour occuper l'espace 

    comme une poule 

    piétine le temps 

    On voudrait comprendre 

    les leçons qu'a bien pu

    tisser la nuit 

    sur sa toile d'araignée 

    et déjà elle se déchire

    Quand je rouvre les yeux 

    trop tard

    mes mains vivent 

    leurs double vies d'espionnes

    infiltrées en territoire 

    ennemi

    J'imagine qu'elles miment

    des moments de pillage 

    silencieux 

    à l'unisson de ces bandes 

    perroquets sur l'épaule 

    radotant leurs romances 

    nerveuses

    qui peuplent 

    l'épais pelage 

    brûlant de fièvre 

    où nait rampe 

    et s'enfouit 

    la bête des sables 

    de la mélancolie 

  • Temps réglementaire

    Dans le ciel orange 

    où ce samedi matin

    étire les bras

    pour raccompagner 

    les ombres 

    aux portes de la ville 

    deux commentateurs

    sportifs bombent 

    le torse entre

    deux effets 

    de dramatisation 

    et pendant que l'équipe 

    de Nouvelle-Zelande

    d'abord 

    donne la réplique 

    à celle d'Australie 

    laquelle ensuite 

    lui répond 

    dans cette comédie 

    du rugby tendue 

    sur son fil

    mâle et innocent 

    je repense à cette matinée 

    il y a fort fort longtemps 

    Un autre match

    de rugby

    Une autre matinée 

    qui n'a pas encore 

    fini de cuire 

    Mon oncle oublie 

    les tartines 

    dans le grille-pain 

    Des noisettes 

    de beurre demi sel

    viendront bientôt 

    bronzer dessus 

    La rencontre  

    s'égare dans la brume 

    des terres et sur une

    île lointaine du pacifique 

    je ne sais plus

    qui joue qui gagne 

    Tout ce dont

    je me rappelle aujourd'hui 

    c'est seulement

    des bourrades enthousiastes

    de mon oncle 

    Et du plus loin 

    de l'oubli 

    elles font écho 

    aux rugissements

    qui montent du stade

    où le match 

    se dispute ce jour

    Ça fera 28-24 pour l'Australie 

    au bout du suspense 

    ce matin 

    Ça fera bientôt quatre ans

    que mon oncle 

    a été battu 

    par un cancer 

    avant la fin du temps

    réglementaire 

    Aucun souvenir 

    ne devrait perdre 

    sa famille deux fois 

  • Cet endroit un peu vide

    Cet endroit un peu vide

     

    Salut-salut la poésie...

    quand arrêteras-tu

    de faire semblant

    de pleurer

    le spectacle de la mort

    et les malheurs

    de tout ceux dont l'ombre

    s'efface toujours après

    tes mots qui s'attroupent

    comme une foule menteuse

     

    Salut-salut la poésie...

    les pauvres gens

    n'ont pas besoin

    qu'on s’apitoie à leur place

    Peut-être tu te figures

    qu'en feignant de leur

    donner la parole

    tu retarderas ce moment

    où leurs corps rejoindront

    définitivement la poussière

     

    Peut-être es-tu naïve

    à ne pas croire

    Peut-être es-tu innocente -

    alors qu'il n'y a plus

    d'innocence.

    Que toute cette innocence

    pour de faux

    c'est juste du commerce

    qui revient te visiter

    périodiquement

    sans rien rapporter

    à personne -

    oui peut-être es-tu

    faussement innocente

    au point de te convaincre

    qu'en faisant descendre

    un peu de chaleur

    sur leurs visages

    de bêtes presque mortes

    tu empêcheras leur souffle

    glacé et blanc

    de se perdre

    dans le silence et le néant

    des bouches du métro

    qui ne s'ouvrent même plus

    pour eux

     

    Salut-salut la poésie...

    t'as pas envie de faire

    un truc utile

    pour une fois

    au lieu de te demander

    si les mots de tous

    ces autres

    qui ne sont pas toi

    sont feints ou véritables?

     

    Est-ce que le soleil

    qui se couche devant

    tes petits cercueils

    sur mesure

    où tu voudrais que le monde

    cet endroit un peu vide

    vienne trouver le repos

    n'est pas le seul

    écrivain véritable ?

     

    Salut-salut la poésie...

    n'attends pas que la terre

    finisse par te reprendre

    c'est déjà pas si mal

    qu'elle consente

    à te recevoir

    Oublie ta grandeur

    ta beauté ridicule

    le nombre et la puissance

    qui te manqueront toujours

    Mets un gigot de sept heures

    à cuire

    carafe un peu de vin

    ça prend cinq minutes

    Oui rends-toi un peu utile