Une chanson chasse l'autre...
Il y avait une clôture de fil de fer barbelé, derrière la ferme. Assez hautes pour ne pas que les vaches, plutôt intrépides par ici, sautent par dessus. Et alors, bien sur, on s'est mis à essayer, nous aussi. C'était assez clair à nos yeux. L'enfance était un pays qui sentait la vache. Oui c'était évident. Avec une clôture de fil de fer barbelé pour frontière absolue...
Une chanson chasse l'autre, me dit-il, et j'ai toujours autant de peine pour le premier café qui se mettra bientôt à couler du premier percolateur près duquel vivent encore, sous couverture, les dernières blondes de l'extérieur...oui, les dernières blondes de l'extérieur pour lesquelles, chaque soir, je récitais cette prière: "Vite, vite. Arrivez vite au ciel. Vite...avant que le diable ait eu vent de votre mort. Vite..." Ces blondes de l'extérieur qui ont si souvent servi de point d'ancrage à mes fantasmes, juste avant qu'ils ne s'en retournent à la poussière... mes fantasmes, comme les cavaliers fourbus et ridicules des anciennes légendes...A cette époque, tu l'ignores peut-être, j'avais pris l'habitude de venir regarder les rêves mourir d'asphyxie sur les branches de cet arbre qui tombait toujours du côté où ton sourire penchait. C'était au fond de ton joli jardin, un jardin cossu et tout ça...juste avant qu'ils ne s'en retournent à la poussière, mes fantasmes, comme les cavaliers fourbus et ridicules des anciennes légendes...Une chanson chasse l'autre et j'ai une pensée émue, une pensée à part pour le premier café qui va bientôt se mettre à couler...oh dans moins de trois minutes à compter de maintenant...Dire qu'il va se faire avaler par le premier connard- le genre à se prendre pour une enluminure très réaliste de la working class- en se demandant, mon dieu, ce qu'il a bien pu faire, dans une vie antérieure, pour mériter ça...