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  • Une chanson chasse l'autre...

     

    Il y avait une clôture de fil de fer barbelé, derrière la ferme. Assez hautes pour ne pas que les vaches, plutôt intrépides par ici, sautent par dessus. Et alors, bien sur, on s'est mis à essayer, nous aussi. C'était assez clair à nos yeux. L'enfance était un pays qui sentait la vache. Oui c'était évident. Avec une clôture de fil de fer barbelé pour frontière absolue...

     

    Une chanson chasse l'autre, me dit-il, et j'ai toujours autant de peine pour le premier café qui se mettra bientôt à couler du premier percolateur près duquel vivent encore, sous couverture, les dernières blondes de l'extérieur...oui, les dernières blondes de l'extérieur pour lesquelles, chaque soir, je récitais cette prière: "Vite, vite. Arrivez vite au ciel. Vite...avant que le diable ait eu vent de votre mort. Vite..." Ces blondes de l'extérieur qui ont si souvent servi de point d'ancrage à mes fantasmes, juste avant qu'ils ne s'en retournent à la poussière... mes fantasmes, comme les cavaliers fourbus et ridicules des anciennes légendes...A cette époque, tu l'ignores peut-être, j'avais pris l'habitude de venir regarder les rêves mourir d'asphyxie sur les branches de cet arbre qui tombait toujours du côté où ton sourire penchait. C'était au fond de ton joli jardin, un jardin cossu et tout ça...juste avant qu'ils ne s'en retournent à la poussière, mes fantasmes, comme les cavaliers fourbus et ridicules des anciennes légendes...Une chanson chasse l'autre et j'ai une pensée émue, une pensée à part pour le premier café qui va bientôt se mettre à couler...oh dans moins de trois minutes à compter de maintenant...Dire qu'il va se faire avaler par le premier connard- le genre à se prendre pour une enluminure très réaliste de la working class- en se demandant, mon dieu, ce qu'il a bien pu faire, dans une vie antérieure, pour mériter ça...

     
     
    Oui alors, le ciel, je ne sais pas, mais quelque chose- quelqu'un...Oui, c'est comme si le ciel s'était mis à grincer des dents. Là, tout à coup, à grincer des dents. C'est un soir où les âmes se dérobent. Les devoirs un peu à la sauvette. Les dîners qu'on laisse en suspens sur le pouce. Et toutes ces cigarettes molles qui fument au coin de tes paupières...

     

     

     

     

     

  • ...

    L'insomnie ce que c'est?

    L'insomnie, voyons,

    c'est un rat

    qui creuse le sol

    sous moi qui repose

    dans ce puits sec

    où le sommeil,

    pour faire vite,

    a cru bon

    de me faire glisser...

     

    (photo Frédérick Jeantet)

  • C'est la balle qui meurt...

    Je revois encore

    ce vieil ami.

    J'ai du lui emprunter

    un souvenir d'enfance

    sans lui demander

    la permission. 

    Je le revois

    comme il fronce les sourcils

    et me prie aussitôt

    de le lui rendre.

    Je n'ai pas pensé à mal.

    C'est juste que...

    Enfin, voyez-vous...

    Je viens d'avoir quarante ans. 

    Mes dernières illusions, je le sais,

    ne retiendront plus, désormais,

    que l'attention furtive

    de mon rétroviseur. 

    Je viens d'avoir quarante ans,

    à l'époque.

    Je commence à baisser la garde.

    Mon romantisme et moi

    on s'est même mis à ressembler

    à un naufrage en gondole

    C'est comme ça,

    oui,

    absolument

    Toujours se méfier des adverbes... 

    J'ai cessé de chercher

    le remède miracle

    contre les filles qui ne savent pas danser

    mais qui dansent. 

    Je sais que Dieu et son représentant

    légal

    savent bien

    que ça n'a pas été tous les jours faciles

    pour les scénarios de films d'action.

    Je prends du plaisir

    à revoir ces fils naturels

    du tempérament américain.

    Oui, beaucoup de plaisir,

    absolument... 

    Je rêve de Chuck Norris

    en paradoxe du cinéma

    soviétique. 

    Je suis le seul acteur de karaté

    à moustaches 

    à avoir une bible dédicacée. 

    Moi, c'est simple, 

    quand je me prends une balle,

    c'est la balle qui meurt...