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Dans les mangeoires,me dit-il,il pleut des diamants.Nous sommes à la ferme.Je me souviens...Ma grand-mère évoque(oh mais furtivement-furtivement...)sa maladie.Je ne sais pasce qui me prendde lui parlerde cet oiseau (un oiseau de feu-un oiseau de feu...)Vivre parmiune bande loyalede souvenirs,c'est comme un instinct,ces jours-ci.Une évidence et une attraction...Papa expliqueles chosesdu bout de ses onglesd'architectequi terminent ses mainsde terrassier.Vivre...Papa explique à ce gamin,pas vraiment d'ici,comment aiderune vacheà mettre bas....La vie, tu vois, lui dit-il,à hauteurde son rire francet rude,c'est un peu ce principedu sketchavec des personnagesimaginaires.Aujourd'hui, par exemple,je suis un somnambuleen dernière annéede vétérinaire...Dans les mangeoires,me dit-il,il pleut des diamants...Nous sommes à la ferme.J'y retourne souvent.C'est un bel endroitpour pleurer...
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Désobéir à la brume...
Hier, 39 bovins
ont été parqués.
Il s'agit d'un troupeau
qui erre
depuis 1986.
Cela se passe beaucoup
plus bas,
quelque part dans
le Minervois.
J'écoute le dernier album
de Ian Brown.
Ça s'appelle "Ripples"
et j'ai l'impression
de retrouver le corps
d'un vieux complice,
noyé dans le canal
du souvenir.
Le maire qui a pris
l'arrêté visant
à enclore
les vaches errantes
annonce la couleur:
" je vais les garder
8 jours ouvrables.
Elle seront nourries
et abreuvées
par les employés
municipaux...
A l'expiration du délai,
si le propriétaire
n'a pas payé les amendes,
nous pourrons soit
les euthanasier,
soit les donner,
soit les vendre."
Papa allume le feu
dans la cheminée
où un vieux matou
hors d'âge s'endort
toujours plus près
des braises.
Bercé par les flammes,
je repense à l'époque
où mon frère et moi
confondions
Minervois et Minnesota.
Nous passions beaucoup
de temps à la ferme.
On se prenait un peu
pour des cow-boys.
Sur la départementale,
Papa désobéit à la brume
au volant de son tracteur
vert pomme.
J'imagine qu'un jour
prochain viendra
où il va bien falloir
faire quelque chose
de tous ces trucs du passé.
Même les chansons
de Ian Brown,
à l'expiration du délai
mélancolique,
il faudra soit les euthanasier,
soir les donner,
soit les vendre... -
Les rêves appartiennent aux rêveurs...
L'aube naît
en tendant des draperies
soutachées
du rouge qui marque
habituellement
la violence douce amère
régissant l'existence
du petit peuple fier
créé pour habiter
cœur à l'ouvrage
et sourire aux lèvres
les maigres bandelettes
de terre fertile
laissées à disposition
comme les derniers
exemplaires
quelque peu écornés
du grand livre
nourri pratiquement
aux mythes
de la belliqueuse
Amérique.
Toujours cette idée
de frontière
qui veut que les rêves
appartiennent aux rêveurs...
Par ici on pourrait
presque passer
des heures à gratter
sa guitare
alors que pleuvent
des diamants
par la fenêtre.
C'est pas tous les jours
que le bleu du ciel
s'offre comme
une fille facile...
A petits secouements
de fourche
je regarde mon père
qui rhabille la ferme.
D'abord de fourrage
ensuite de fumier.
Tout un tas d'odeurs
familières
reviennent
me chatouiller le nez...
J'écoute Nick Drake.
Hum-hum laid down...
Les enfants sont aux morilles
avec leur nièce
et leur neveu.
Mon frère reprend
sa passion de la photo
où il l'avait laissée.
Papa fait fumer le tracteur.
Maman part
pour la salle des fêtes.
Ce soir on y montre
un peu de cinéma.
Le feu ronronne
avec des façons
de vieux chat
assoupi
sur sa fin de sieste.
Hum-hum laid down.
Just laid down...