Au commencement,
me dit-il,
ce matin a chaussé
ses lunettes
et il y avait déjà
une tension
étrange
entre la réalité
et tous vos mots
de passe oubliés
dans le même vieux
cauchemar.
Et c'était sans doute
dans un but
précis.
Oui, il voulait
revoir
toutes ces choses
vues
dans les yeux
de cet ami...
Mais il n'aura jamais été
question
d'une certaine idée
de la littérature,
dans ces parages.
Non.
Dans ces parages,
il n'aura jamais été
question,
ça non plus,
Dieu ou les Marx Brothers
nous en préservent,
de la valeur d'un plan
au cinéma,
comme ils disent.
Il se pourrait,
d'ailleurs,
que le cinéma n'existe
que dans les yeux
de vos amis.
Oui.
A la rigueur...
Il se pourrait, alors,
qu'il se mette
à exister, mais pour de bon,
le cinéma,
quand tous vos amis,
les uns après les autres,
disparaissent.
Au commencement,
c'est vrai
qu'on n'y songeait
pas trop.
Ensuite, bien sur,
tout sera très vite
terminé...
Longtemps,
nous avons feint
d'ignorer
ce moment où
enfin l'on sait.
La minute, oui, quand,
tout à coup,
prend fin
cette distorsion,
bien trop dystopique,
bien trop littéraire,
allez, je vous l'accorde,
oui,
cette distorsion
entre vos rêves de jeunesse
et la réalité de la mort.
Puisque la vraie vie,
l'affaire est entendue,
ça n'existe pas.
Puisqu'il faut bien,
tôt ou tard,
accepter la perte.
Puisqu'elle est là,
tapie
un peu partout.
Et pourtant...
Au commencement
des commencements,
ce matin-
il s'agissait à l'origine
d'un de ces matins
aussi pluvieux,
aussi poisseux
qu'un quartier perdu
du soleil
qui émargerait au
réarmement moral-,
au commencement
des commencements,
donc,
ce matin a chaussé
ses lunettes
et c'était dans le but
de vous parler,
un peu mais sans l'évoquer
vraiment,
ce matin est pudique
et je crois que,
dans le fond,
il nous emmerde,
de cet ami disparu
et
dans ses yeux,
il aurait vu tant
de choses.
Mais il n'y a jamais rien
à dire
à propos de la mort
d'un ami.
A part qu'il vous
manque
et que cette année,
décidément,
il a donc fait très chaud
et que c'était l'été...
(Celui-ci est pour David Tronquit. Pour sa mère. Pour ses deux sœurs. Pour sa nièce. Pour son neveu. Pour toutes celles et tous ceux qui...)