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  • ...

    Qu'est-ce qu'un poème

    raté,

    dis-moi un peu,

    chaton?

    Est-ce lorsque

    le soleil se met

    soudain

    à grignoter 

    notre bout de trottoir

    où, hier encore,

    tu m'as chuchoté

    que la lune

    m'allait si bien?

    Ou, qui sait,

    toutes les fois

    que tu as envie 

    de fumer une cigarette,

    parce qu'il faut bien

    faire quelque chose

    dans ce lit devenu

    trop grand?

    Moi aussi,

    qu'est-ce que tu

    t'imagines, 

    chaton,

    moi pareil,

    tu sais,

    je pourrais être

    toutes ces filles

    aux cheveux de cendre,

    bien trop graciles

    pour hurler comme ça

    au téléphone

    pendant que la terrasse,

    sous peu,

    me deviendra 

    tout à fait inaccessible

    alors que tu manques

    te casser une dent

    en jouant

    à l'homme sombre

    face à la page

    blanche.

    Moi aussi,

    chaton,

    mêmement

    je pourrais te pourrir

    ton dimanche matin

    en faisant

    une gueule

    de laverie automatique.

    Mais j'ai le sens

    du décor

    et je crois que les forces

    de l'esprit

    flottent quelquefois

    au-dessus de la planche 

    à repasser...

  • ...

    Revu, me dit-elle,

    la carcasse

    de ce Vespa vert pomme, 

    sa rouille sans personne,

    dans cette vitrine abandonnée

    devant laquelle

    les gens 

    vont et viennent sans arrêt...

    Ensuite, je me suis souvenue

    de cet homme

    quand, par ici,

    c'était encore vivant

    et les choses

    un peu plus frénétiques.

    Cet homme...

    Il parlait

    me dit-elle.

    Oui, il parlait

    tout le temps.

    Thèses et antithéses

    sans cesse

    se dressaient sous nos yeux.

    Entre nous, on avait coutume

    de dire que nos cœurs

    souhaitaient ses mots,

    parfois catégoriques,

    souvent contradictoires,

    oui que nos coeurs

    les souhaitaient

    avec une sainte impatience...

    Il parlait, me dit-elle.

    Oui il répétait,

    souvent,

    ceci:

    "quand on est déconcerté

    par la réalité

    de ce monde, 

    il est quelquefois rassurant

    d'envisager

    d'autres possibilités....

    Une phrase, une formule

    qu'on pique à quelqu'un

    d'autre,

    et c'est encore mieux

    l'après-midi,

    avec l'espoir

    qu'il existe un monde

    meilleur.

    Une meilleure version

    de nous-mêmes...

    Il parlait, me dit-elle.

    Oui, il parlait.

    "Chacun peut dévier sa course.

    Rien n'est immuable.

    On peut gagner du temps.

    Il faut trouver un moyen.

    Sans mesurer toutes

    les conséquences?

    On peut.

    Au risque

    de provoquer une tragédie?

    Il faut..."

    La vie est un puzzle,

    me dit-elle,

    et on doit bien,

    de temps à autres,

    pouvoir recoller les morceaux.

    Non?

     

  • Il a fait très chaud et donc, c'était l'été...

    Au commencement,

    me dit-il,

    ce matin a chaussé

    ses lunettes

    et il y avait déjà

    une tension

    étrange

    entre la réalité

    et tous vos mots

    de passe oubliés

    dans le même vieux

    cauchemar.

    Et c'était sans doute

    dans un but

    précis.

    Oui, il voulait

    revoir

    toutes ces choses

    vues

    dans les yeux

    de cet ami...

    Mais il n'aura jamais été

    question

    d'une certaine idée

    de la littérature,

    dans ces parages.

    Non.

    Dans ces parages,

    il n'aura jamais été

    question,

    ça non plus,

    Dieu ou les Marx Brothers

    nous en préservent,

    de la valeur d'un plan

    au cinéma,

    comme ils disent. 

    Il se pourrait,

    d'ailleurs,

    que le cinéma n'existe

    que dans les yeux

    de vos amis.

    Oui.

    A la rigueur...

    Il se pourrait, alors,

    qu'il se mette 

    à exister, mais pour de bon,

    le cinéma,

    quand tous vos amis,

    les uns après les autres,

    disparaissent.

    Au commencement,

    c'est vrai 

    qu'on n'y songeait 

    pas trop.

    Ensuite, bien sur,

    tout sera très vite 

    terminé...

    Longtemps,

    nous avons feint

    d'ignorer

    ce moment où

    enfin l'on sait.

    La minute, oui, quand,

    tout à coup,

    prend fin

    cette distorsion,

    bien trop dystopique,

    bien trop littéraire,

    allez, je vous l'accorde,

    oui,

    cette distorsion

    entre vos rêves de jeunesse

    et la réalité de la mort.

    Puisque la vraie vie,

    l'affaire est entendue,

    ça n'existe pas.

    Puisqu'il faut bien,

    tôt ou tard,

    accepter la perte.

    Puisqu'elle est là,

    tapie

    un peu partout.

    Et pourtant...

    Au commencement

    des commencements,

    ce matin- 

    il s'agissait à l'origine

    d'un de ces matins

    aussi pluvieux,

    aussi poisseux

    qu'un quartier perdu

    du soleil

    qui émargerait au

    réarmement moral-,

    au commencement

    des commencements,

    donc,

    ce matin a chaussé

    ses lunettes

    et c'était dans le but

    de vous parler,

    un peu mais sans l'évoquer

    vraiment, 

    ce matin est pudique

    et je crois que,

    dans le fond,

    il nous emmerde,

    de cet ami disparu

    et

    dans ses yeux,

    il aurait vu tant 

    de choses.

    Mais il n'y a jamais rien

    à dire

    à propos de la mort

    d'un ami.

    A part qu'il vous

    manque

    et que cette année,

    décidément,

    il a donc fait très chaud

    et que c'était l'été...

     

    (Celui-ci est pour David Tronquit. Pour sa mère. Pour ses deux sœurs. Pour sa nièce. Pour son neveu. Pour toutes celles et tous ceux qui...)