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  • Westerns Miniatures (4)

     

     

    L’amour est pur, là-bas, tu sais. Un peu sourd aussi et c’est pour ça qu’on a pas sa peau si facilement...

     

    Maman prépare son vermicelle. Maman. Ses mains jurent au bord de l’eau qui boue. Maman. Ses oreilles déformées, à force, par un tas d’adjectifs sauvages. Maman. Cette saloperie de four qui ne ferme pas bien, bordel de merde. Maman. Au loin, un gros chien de berger aboie sa surprise après les nuages qui moutonnent. Le jour baisse. Si tu voyais ça comme c’est beau, lapin. Le vermicelle qui verse sur toute la création. Quand il aura fini de faire téter ses veaux. Et manger, non !? Maman qui crie après Papa. Papa, un lion muselé par les habitudes et l'amour, qui fait celui qui n’entend rien. Papa. Une espèce de cow-boy même pas besoin d’avoir un cheval, lui. Ni lasso, ni tout ce fourbis de violence et de fétichisme des armes qu’ils ont, d’habitude. Papa qui tombe, dix fois-vingt fois, de la remorque et du toit, quand ses bottes partent en balade. Papa même pas mal. Papa qui sue comme un bouseux. Et l’œil du peintre est un âne. Un bûcheron du Colorado... 

     

     Maman. Papa. Deux êtres de non-calcul. J’ai bon moral...

     

    (Extrait de "Westerns Miniatures", fragments parus dans la revue "Ce qui reste"...)

  • Westerns Miniatures (3)...

     

     

    Si ce matin parvenait à se déployer d’avantage, tu sais lapin, à mieux nous parler du bruit que faisait le vent dans mes cheveux, à l’époque, qui sait si…

     

    Par ici, la solitude c’est comme une poche de boue liquide où, sans que tu t’en rendes compte, au début du moins, tu t’enfonces doucement. Au milieu des mouches. De grosses mouches vertes. Papa.

    Il arrive, lapin, que la vie se confine d’elle-même dans des limites plutôt étroites. Au coin d’un feu, par exemple, et là, alors, les souvenirs et l’enfance essaient de vous faire croire que c’est ainsi que se travaille la pâte humaine. Après, bien sûr…

    Par ici, c’est simple, dès qu’il pleut, le paysage ouvre son cahier gris. Papa.

    Tu sais dans ces fermes, lapin. Tu sais. J’ai failli mourir plus d’une fois. Et pourtant on m’aimait. Maman. Papa. Et pourtant…

    Un coup d’eau par la gueule et en avant. Rejoins- moi à l’étable quand tu auras fini de te débarbouiller. Papa.

    L’avenir, mais qu’est-ce que tu crois, mon vieux, c’est déjà du passé...

     

    Ce matin repart mais son conducteur n’est plus à bord. Réalisé tout à coup à quel point la mémoire ne communiquait plus avec les lieux où se trament mes souvenirs. C’est bon, lapin, cette fois je rentre…

     

    (Extrait de "Westerns Miniatures", fragments parus dans la revue "Ce qui reste", il y a quelques temps déjà)

  • Westerns Miniatures (2)...

    Visité enfin cet abri, tu sais, lapin…

    De retour chez nous, après des jours et des jours de chevauchée. Des nuits de bivouacs d’étoile en étoile. Enfin chez nous, donc, où l’existence tourne plus ou moins autour d’un troupeau de vaches et de quelques champs de maigres profits. Le lait aussitôt tiré, là-bas tu sais, il te pèse sur l’estomac. Oui. Un peu de lait comme ça, même chez nous, c’est encore trop pur.

    Les cloches sonnaient dans le gris bleu des bois de bouleaux quand je suis revenu au village, lapin. J’ai fini la route à pieds. Le cheval n’a pas survécu à ma vocation d’aventurier par tous les temps. J’ai dû l’achever d’une balle. L’amour est pur, lapin. L’amour est aussi pur qu’un peu de lait de là-bas, alors j’ai mis ma main sur les yeux du cheval. Pour pas qu’il ait le temps de voir venir, tu sais. D’avoir peur, lapin. Je ne suis pas assez cruel. Là-bas, ils disent toujours qu’il faudra bien, tôt ou tard, que je me tanne un peu le cœur. Que je me cuirasse le front contre l’écorce des frênes. Que je m’abreuve plus souvent au sang des bêtes…

    …où elles viennent se reposer une dernière fois, toutes nos forces mortes…

     

    (Extrait de Westerns Miniatures, fragments parus en 2014 dans la revue Ce qui reste...)