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    Au bout de ce chemin,

    des souvenirs sont

    sur le point

    de disparaître...

    L'enfance a fini par

    céder

    son vieux fond

    de commerce...

    La mélancolie n'a pas pu

    décaler son dernier

    rendez-vous

    avec 

    la

    mort...

     

    Photo Frédérick Jeantet

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    Nous sommes Mardi et je vais bien. Je regarde le soir descendre sur la plage avec des pudeurs de moine tibétain. Le spectacle est assez décevant. Des hommes à chiens, partout. Peut mieux faire mais on s'en contentera. Nous sommes mardi et, ici, dans la cuisine, mes spaghetti changent tout le temps. D'une minute à l'autre, ils changent de place. De texture. De goût. Vont et viennent. Plongent, comme on croquerait l'existence de belle humeur, dans une casserole d'eau soigneusement portée à ébullition. S'égouttent avec la nonchalance des starlettes de festival. Tout ça pour vous dire qu'ici, dans la cuisine, je ne me lasse pas des splendeurs minuscules que la vie me permet d'entrevoir. Un peu plus tôt, j'aurais pu avoir envie de me promener sur la plage. C'est vrai. Oui mais non. D'une: je n'ai jamais eu le pied marin. De deux: je déteste le sable qui ne fait à la longue qu'abîmer le cuir de vos chaussures et puisque j'ai une tendresse particulière pour mes chaussures, alors non. Un peu plus tôt, au lieu d'une promenade, j'ai accepté l'invitation de la personne qui me loue cette chambre, parce que nous sommes à Deauville, que c'est mardi et que je vais bien, donc. La personne qui me loue cette chambre n'est autre qu'une dame à chats. Elle a soixante-huit ans et vingt chats. Elle tient à m'offrir une tasse de thé. Pourquoi du thé? Pourquoi moi? J'accepte. Du thé rouge. Tellement dégueulasse que je finis par l'avaler d'une traite. La dame de soixante-huit ans et vingt chats me regarde. Elle se doute de quelque chose. Alors je la regarde. Avec bienveillance. Du moins, j'essaye d'écouler dans mon regard tout mon stock de bienveillance disponible. Ensuite, parce que je la sens rassurée, j'ose cette question: "pourquoi autant de chats?" C'est brutal, je sais. Mais nous sommes Mardi, un peu plus tôt, et sur le moment je ne vais pas aussi bien que beaucoup plus tard, je veux dire, quand le soir finira par descendre sur la plage de Deauville en ouverture de mon petit spectacle de spaghetti caméléons. Pour me punir, la dame et ses vingt chats me proposent une nouvelle tasse de thé. Toujours aussi rouge. Toujours aussi dégueulasse. "Le thé, me dit-elle, aide à rétablir l'harmonie dans nos existences. Buvez et vous verrez." Pour me punir d'avantage, elle répond à ma question de tantôt, puisque tantôt j'étais encore laconique et quelque peu brutal, j'en conviens."Parce qu'un jour viendra où les chats domineront le monde." Nous sommes mardi. Je vais de mieux en mieux mais je ne suis pas d'accord." Impossible. Jusqu'à présent, que je sache, les chats n'ont jamais été capables de jouer au rugby. Oui ou non? Jamais fichus de monter des groupes de rock. Oui ou non?" Nous sommes mardi, maintenant je vais bien et la dame et ses vingt chats sont en train de pleurer. Tout ce joli monde pleure même à chaudes larmes. Je m'en veux d'aller aussi bien maintenant alors que, partout autour de moi, ça pleure. Le mal est fait. Je me lève. En silence je regagne ma chambre. Nous sommes mardi et je ne suis pas venu, ici, à Deauville, pour faire pleurer une vieille dame à chats. Non. Si je suis venu, ici, à Deauville, c'est avec une autre idée derrière la tête. Une toute autre intention. A l'origine, je voulais écrire un texte sur mon père. Voilà, vous savez tout. Mon père qui vit dans ses montagnes. Élève des bovins. Travaille la terre. N'a pas non plus, comme on se doute, le pied marin. Se fout, par contre, surtout de là où il regarde le monde, de savoir que le sable, à la longue, peut nuire gravement à la santé de vos chaussures. Et pour faire en sorte que cette intention trouve à se formuler plus clairement, finisse par devenir un geste, j'avais même emporté avec moi une photo-cette photo, convaincu en mon fors intérieur que des mots "sortiraient" de cette image. Nous sommes Mardi,  je vais bien et je suis au moins sur d'une chose: j'aime beaucoup cette photo mais mon père n'a jamais demandé à se retrouver dans une phrase, ni dans un poème à la noix, encore moins dans un mauvais roman de plus...

    Photo Frédérick Jeantet

     

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    Parce qu'on se tenait,

    depuis fort fort longtemps, 

    à cheval

    sur cette ligne idéale

    qui sépare la vie et la mort...

    Puisque on s'était lassé, à force,

    de ces maigres territoires,

    trop souvent parcourus,

    où le goût du sel

    et de l'aventure

    s'étaient périmés comme une valse...

    Parce que les pulsions essentielles

    dont on tirait tous

    nos matières premières,

    avaient pris l'habitude

    de rater,

    au moins une fois sur deux,

    leurs entrée magistrale. 

    Parce que nous ne pouvions pas

    avoir mangé

    la dernière part du gâteau

    et vouloir ensuite qu'il en reste, 

    alors on a pris

    le sac et la cendre.

    On s'est remis à cracher

    par terre, 

    en jurant, à la fin, 

    qu'on ne nous reverrait plus

    dans ces tristes parages,

    en tout cas pas avant

    que les enfants ne réapprennent

    à courir après

    quelque veau lunaire. 

    Pas avant qu'on leur enseigne,

    une fois pour toutes,

    la théorie des machines à vapeur

    amnésiques,

    où le comique de répétition

    culmine,

    l'air d'un clochard dans son costume

    à trente euros...