Sympathie de classe...
J'épluchais un kilo de carottes
en oubliant la pluie
et les trente idées
de crédences
dont le commercial-
à quoi ressemblera le commercial
du futur?
Celui-ci était beau parleur.
Logique dans un sens.
Et, avec ça, une cravate satinée
de torero. Atroce tout azimut-,
dont le commercial en
"art de la table, mobilier et rangement
de cuisine"
n'avait eu de cesse
de vanter les mérites,
dans l'espoir qu'enfin je me décide
à aménager la mienne
avec une touche
déco
pleine de personnalité.
Comme si j'en avais quelque chose
à foutre du design et de la dignité
de ma profession qui s'en trouverait
ainsi renforcée...
J'épluchais un kilo de carottes
en tâchant d'oublier cette envie-
une envie assez violente. Brutale
comme l'arrière garde d'une bouche
avide et sèche-,
cette envie de scotch
sans glace
qui me serrait la gorge
depuis que j'avais arrêté l'alcool,
six mois plus tôt-
l'alcoolisme a tué plus de monde
que la sécheresse,
dans notre métier.
Je connaissais la chanson-,
et qu'ainsi donc, six mois plus tard,
je ne pensais plus qu'au cul
en fin de course
de la serveuse
avec laquelle j'entretenais,
de loin en loin,
une sympathie de classe.
Les serveuses ont toujours
été des personnages un peu casse-gueule
et je n'ai plus le vent en poupe.
J'ai pour moi de réussir
sur des sujets ingrats mais pas tellement difficiles.
On fait ce qu'on peut.
Avec ce qu'on a...