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  • Sympathie de classe...

    J'épluchais un kilo de carottes

    en oubliant la pluie

    et les trente idées

    de crédences

    dont le commercial-

    à quoi ressemblera le commercial

    du futur?

    Celui-ci était beau parleur.

    Logique dans un sens.

    Et, avec ça, une cravate satinée 

    de torero. Atroce tout azimut-,

    dont le commercial en 

    "art de la table, mobilier et rangement

    de cuisine"

    n'avait eu de cesse

    de vanter les mérites,

    dans l'espoir qu'enfin je me décide

    à aménager la mienne

    avec une touche

    déco

    pleine de personnalité.

    Comme si j'en avais quelque chose

    à foutre du design et de la dignité

    de ma profession qui s'en trouverait

    ainsi renforcée...

    J'épluchais un kilo de carottes

    en tâchant d'oublier cette envie-

    une envie assez violente. Brutale

    comme l'arrière garde d'une bouche

    avide et sèche-,

    cette envie de scotch

    sans glace

    qui me serrait la gorge

    depuis que j'avais arrêté l'alcool,

    six mois plus tôt-

    l'alcoolisme a tué plus de monde

    que la sécheresse,

    dans notre métier.

    Je connaissais la chanson-,

    et qu'ainsi donc, six mois plus tard,

    je ne pensais plus qu'au cul 

    en fin de course

    de la serveuse

    avec laquelle j'entretenais,

    de loin en loin,

    une sympathie de classe. 

    Les serveuses ont toujours

    été des personnages un peu casse-gueule

    et je n'ai plus le vent en poupe.

    J'ai pour moi de réussir

    sur des sujets ingrats mais pas tellement difficiles.

    On fait ce qu'on peut.

    Avec ce qu'on a...

     

     

     

  • ...

    Toutes ces visions

    dans ma tête...

    On demeure esclave 

    de la parole

    trop longtemps gardée

    au-dedans de soi...

    Il faudrait, par exemple,

    que je prenne le temps

    de réfléchir

    à cette odeur

    de colle et de sels de bain...

    J'ai ce sentiment étrange...

    Les grands rêves parlent

    de désir

    et du manque.

    Autour de cet axe, 

    tout s'articule, oui tout, comme

    nos tendresses minuscules, 

    les marges, les péninsules

    de l'angoisse

    où on courrait se mettre 

    à l'abri.

    Quelle idiotie.

    C'était comme ça...

    Il y aura toujours cette femme

    qui pleure

    une bonne fois, une fois

    pour toutes.

    Et dans sa vie, jusqu'alors

    les solutions mises en oeuvre

    n'ont jamais fonctionné

    bien longtemps. 

    Il y aura toujours cette femme

    qui pleure et qui pleure et qui pleure

    et à la fin le corps se laisse

    tout bonnement

    vivre

    et à la fin l'esprit se met 

    à raconter

    la solitude, la beauté

    et l'amour...

    Toutes ces visions

    dans ma tête...

    Il faudrait quand même

    qu'un jour je trouve le courage

    de faire le tri

    entre la boue du sentier

    de tout à l'heure

    et les poussières sur la route,

    après demain...

     

     

     

     

     

  • ...

    Ici, maintenant,

    seule

    la mélancolie

    peut produire

    des films

    aussi racoleurs et

    commerciaux

    que le souvenir

    de toutes ces soirées

    à la gomme

    où on effaçait

    des litres et des litres

    de bière,

    blonde. 

    Une certaine idée

    du virilisme

    inscrite 

    en lettres vaines 

    au tableau noir. 

    Ici, maintenant,

    il est encore temps 

    de le reconnaître.

    De toute façon,

    ça fait bien longtemps

    que les ombres 

    se sont rangées

    de notre côté.

    Alors,

    faute avouée...

     

    (photo Frédérick Jeantet)