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Lubies - Page 144

  • ...

    Un peu chaque jour,

    beaucoup de gens

    disparaissent.

    Des écrivains cessent

    d'écrire.

    Des groupes ou des couples,

    c'est du pareil au même,

    se séparent.

    Des paysans se suicident...

    Un pied à l'ombre, 

    je revois 

    cette amie d'avant.

    Son sourire était dur

    à entendre.

    Prise sur le fait,

    elle mentait avec

    un aplomb impressionnant. 

    Sauf une fois...

    L'élément déclencheur,

    dans une vie de fille

    solitaire,

    elle disait,

    c'est souvent le premier

    rouge à lèvres

    qui vous accompagne

    dans chaque moment-clé

    de votre solitude.

    Elle rêvait qu'une nuit

    on l'enlève

    jusqu'au cœur du soleil

    noir

    d'une forêt d'épicéas...

    Un pied au sec,

    je la revois qui pleure,

    cette fois

    où je l'ai surprise

    en train de congeler

    un oiseau mort...

     

     

  • Fonds de tiroir...

    C'était toujours à l'approche du premier sommeil, quand vous sentez cet engourdissement délicieux gagner peu à peu tout votre corps. L'instant où la surveillance se relâche. Jusqu'ici, vous vous êtes efforcé de détourner votre mémoire des affres de la nuit précédente, et, juste au moment où la partie paraît gagnée, le craquement sec du plancher a tôt fait de ranimer la crainte. Le cauchemar que vous appréhendiez tant ne peut plus être différé.

    L'été, cela débutait par les piqués suraigus d'un moustique au milieu d'un silence de mort. Et puis, sur le vieux papier peint détendu par l'humidité, le crissement d'une colonie de cafards. A force, tous ces sons finissaient par me vriller le cerveau.

    L'hiver, il y avait surtout le trottinement continuel des rats derrière les murs et, parfois même, jusque dans le faux-plafond. Ce n'était pas ces bruits en eux-mêmes qui me causaient tant d'effroi, mais d'avantage ce qui ne manquerait pas de m'arriver une fois que les sacs de céréales ne suffiraient plus à satisfaire leur voracité. Chacune de ces nuits me menaient aux portes de la folie. C'était toujours comme si une sorte de fièvre quarte achevait de me consumer.

    Vingt ans plus tard, un rêve, mélangé à l'animation des jours précédents, m'avait ramené au cœur de cet enfer. Oui et j'avais presque envie de me laisser faire. Et si je retournais voir comment tout ça survivait par ici...Vingt ans plus tard, je me suis réveillé vers les trois heures du matin, à peu près dans le même état qu'à cette époque. Une sueur mauvaise au visage. Le tricot de corps poissé d'angoisse. Assis sur mon lit, j'ai repensé à cette époque-là. Vivre, alors, revenait à se bricoler à la hâte une manière de roman irrespirable... 

  • ...

    C'est le récit d'une séance

    de cinéma en plein air.

    Une actrice rongée par le trac  

    fait face à trois comédiens, 

    torchés et couverts de gras,

    qui donc

    lui donnent la réplique.

    Les trois enfants de la balle

    sont partagés. 

    Que l'actrice débutante 

    soit filmée

    à partir de leurs crânes,

    passe encore.

    Que ses lunettes d'étudiante

    de cinéma

    finissent par se perdre

    dans les moustaches

    d'un metteur en scène

    qui n'existe pas, 

    là par contre,

    quelque chose cloche.

    Et même, pour tout vous

    dire,

    les trois comédiens qui ont

    de la bouteille 

    trouvent ça moche.

    Moche comme le remords

    ou le camping sauvage.

    Pourtant ils se taisent.

    C'est qu'ils doivent bien

    savoir

    que certaines heures

    entraînent les autres

    au fond du ravin. 

    Que le scepticisme

    peut être contagieux. 

    Et puis tout se décante. 

    L'actrice soudain leur lance:

    il y a un grand cri

    piègé

    à l'intérieur de ce monde

    à la con. 

    Elle parle comme une brochure.

    Son sourire fait le reste.

    Les trois comédiens demeurent

    muets.

    Alors elle continue:

    je déteste votre look 

    de vieux torchon.

    Il faut que vous arrêtiez

    d'être bizarre.

    Ça effraie les gens...