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Lubies - Page 119

  • ...

    La neige te rendait

    nerveuse

    et moi, alors, j'écoutais

    ce truc

    de Men at Work.

    C'était mon jour de repos.

    Ce morceau parlait enfin

    mon langage. 

    Depuis plusieurs heures,

    c'était même devenu une sorte

    de rituel. 

    Un rituel de trois minutes et

    quarante et une secondes

    qui me permettait de brûler

    la mélancolie

    deux fois plus vite.

    J'allais passer le restant

    de la journée en peignoir.

    Une journée idéale pour

    regretter,

    au cours d'un terrible face à face

    avec un sandwich,

    de n'avoir pas pris de cours

    de guitare

    quand il était encore

    temps...

    La neige s'est mise

    ensuite

    à paralyser tout

    le réseau ferroviaire. 

    Parti comme c'était parti,

    il allait falloir

    que tu télétravailles d'ici. 

    Je t'ai proposé un café

    au lit. 

    Tu as fait la moue, 

    comme parfois, après l'amour,

    quand tu te remets à douter

    qu'on puisse gâcher pareillement

    son existence

    à rêver

    de sales petites gouapes

    dont le seul but, dans la vie,

    est de taper sur

    des bouteilles de bière

    vides,

    en s'imaginant

    qu'ils mangeront bientôt

    leur bol de céréales

    sous une tente plantée

    au milieu du désert

    et si possible

    en face

    d'un camp de réfugiés...

    Sur la terrasse,

    je me souviens que les branches

    du bambou

    ne montraient aucune indulgence 

    pour cet hiver arrivé,

    tutu-nunu,

    sans prévenir.

    Ah non!

    Aucune indulgence pour

    cette forme grossière

    d'insistance....

    Tu as dit quelque chose

    comme:

    "Putain! J'aime pas la neige.

    Toute cette blancheur,

    tu trouves pas qu'on dirait

    un cliché pourri

    sur l'architecture de la Grèce

    antique?

    Enfin une connerie

    comme ça..."

    Le voisin d'en dessous est sorti

    en titubant. 

    "Un de ces jours, 

    il va bien falloir que tu lui parles.

    Marre de ce connard. 

    Il cogne sa femme 

    et à la fin

    c'est lui qui pleure."

    La veille, dans le train,

    tu avais lu

    un article très intérressant

    sur le sujet.

    "Ces types tapent sur leurs nanas

    comme jadis on marquait

    les esclaves. 

    Les bleus comme signe

    d'appartenance,

    tu vois un peu..."

    Le voisin d'en dessous est sorti

    pour faire un bonhomme

    de neige.

    Je me souviens que son bonhomme

    avait plutôt fière allure.

    Mieux vaut des remords

    que des regrets.

    Et qu'à la place des yeux,

    il avait mis

    deux bouchons de champagne.

    Un beau bricolage original

    pour les enfants... 

    Je crois aussi me souvenir

    que tu n'avais pas spécialement

    envie,

    à ce moment-là,

    de claquer le bec à ton ordinateur.

    Et pourtant...

    La neige te rendait

    nerveuse

    et moi, alors, j'écoutais

    ce truc

    de Men at Work.

    C'était mon jour de repos.

    Toi, tu avais surtout

    des tonnes de boulot

    sur les bras.

    Et pourtant, tu as dit,

    un cheval sur la langue: 

    "Tu sais, parfois, bien qu'il pleuve,

    j'ai envie de me promener..."

    Après, je crois,

    on a bu un café, vite fait mal fait.

    Mais c'était comme de jouer

    sur des machines à sous

    de luxe...

     

    (Photo de Baptiste Jeantet)

     

     

  • ...

    Comme une faiblesse

    derrière les yeux...

    Les Austin 

    n'aiment pas le froid,

    disais-tu...

    Quelques flocons,

    et non des moindres,

    me soutiennent...

    Ce jour-là,

    nous avions rendez-vous

    chez Alma Prod.

    Un projet de série.

    On voulait tous écrire

    des séries pour la télé,

    à cette époque..

    Tu te souviens 

    de la robe

    que je portais,

    quai du point du jour,

    cette fois où

    je me suis perdue

    dans la foule...

    Le producteur

    qui se faisait surtout

    appeler:

    "directeur littéraire"-

    "directeur littéraire", 

    ils se faisaient tous

    appeler comme ça,

    à l'époque-, 

    le producteur

    s'était aussitôt extasié 

    devant notre projet

    de série,-

    à cette époque,

    tout le monde faisait croire

    à son entourage,

    les parents, les amis

    limitrophes,

    qu'il vendait des scénarios

    et signait des contrats.

    Jusqu'à un certain point,

    on faisait donc 

    comme tout le monde...-

    Le producteur estimait

    tout de même

    que ce personnage principal,

    animateur de radio,

    quelque part dans le Nord,

    aurait pu être

    quelque chose de plus fragile

    encore.

    Une femme

    fraîchement divorcée,

    amatrice

    de plongée sous-marine

    en région Paca,

    par exemple...

    Allez ça suffit,

    il neige...

     

    (Photo Baptiste Jeantet) 

     

  • ...

    Je ne crois plus

    du tout

    à l'inspiration,

    me dit-il.

    J'accorde juste

    ce qu'il faut

    d'importance

    à tout ce qui,

    nuisible ou pas,

    peut rendre

    nos jambes

    un tantinet

    impatientes...

    Je crois aux enfants

    qui jouent

    dans la neige.

    Aux acteurs

    qui acceptent

    la mise en scène

    uniquement

    par peur

    du ridicule...