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  • Au centre exactement...là où la jeunesse avait pris l'habitude de se brosser les dents...

    Parfois, me dit-il,

    je me sens

    comme une personne

    déplacée...

    C'est toujours

    une certaine idée

    de la Pop music-

    un refrain aux mythomanies

    ordinaires-

    qui me téléporte

    sur la rive sauvage-

    au centre exactement-

    de la rue des abbesses,

    là où ma langue,

    et à chaque fois

    que tu bois à la paille,

    quelque part dans

    le monde,

    y'a une baleine

    qui meurt,

    oui,

    là où ma langue

    pourrait vivre

    à tout jamais

    accrochée à la tienne...

    Parfois, me dit-il,

    un sentiment magique

    vous donne

    l'impression 

    qu'un accord reste 

    possible

    entre chaque individu

    et tout l'univers. 

    Un joggeur éternel

    rêve de t'aimer au moins

    jusqu'à l'autoroute.

    Jusqu'à ce que sa ceinture

    abdominale

    se relâche...

    Les serveuses au plateau

    mènent une

    double vie.

    Elles s'appellent toutes

    Véronique.

    A l'angle d'une rue,

    le désespoir viril

    joue pour de faux

    au lanceur d'alerte.

    Le dernier faune

    de la Butte

    tend ses doigts sales

    pour caresser 

    une cacahuète orpheline.

    Parfois, me dit-il,

    je continue de penser,

    qu'au centre

    exactement

    de la rue des abbesses,

    là où la jeunesse

    avait pris

    l'habitude

    de se brosser les dents,

    autant d'imperfections

    suffiraient presque à créer

    un peu de beauté...

  • Là-bas...

    C'est vrai, me dit-il,

    je suis fasciné

    par ces terres lointaines

    où la solitude

    ruisselle des toits.

    J'y retourne pour peu

    que je parvienne

    à réchapper

    aux brumes et

    aux mélancolies

    de la ville que j'ai

    appris

    à chérir depuis

    qu'elle m'a enseigné

    à aimer ces choses

    autrement

    que dans ma jeunesse.

    Je revois, alors,

    la poussière froide

    et toujours 

    ce petit quelque chose, 

    après quoi

    nos yeux venaient

    mourir dans nos

    bouches...

    C'est vrai, me dit-il,

    je reste fasciné

    par ces cimes,

    roses à l'arrête,

    pour peu que les matins

    d'été nous soient

    propices.

    Et l'hiver et

    l'automne, là-bas,

    c'était comment?

    Le jour baisse, l'envie

    de faire la fête

    n'en peut plus de détaler

    après la pluie.

    Je n'ai pas vraiment

    le cœur

    à me lancer

    dans la description

    d'un paysage...

     

    (Cette photo a été prise par Frédérick Jeantet. Ce texte est pour Jacques Verdier. Ces deux-là savent bien tout ce que je leur dois. Mais je tenais à le répéter, oui allez, encore une fois...)

  • On était plus jeune, avant...

    L’époque, décidément, est à la vitesse. Notre fils aîné déplorait hier l’absence de son cousin qui, lui au moins, sait visser ses passes comme personne. Par ici, on supposait que toulonnais et clermontois devaient se préparer, à l’ombre de leurs derniers doutes, pour la sueur et l’épique. J’étais revenu quelques jours à la ferme familiale. Mon père achevait d'enlever le soleil sur le dos de ses vaches, le monde allait enfin pouvoir s’établir dans le silence, deux matchs- une finale de challenge européen en plus d’une rencontre de super rugby-nous attendaient au coin du feu-et puis j’ai jeté un œil distrait sur le chemin de terre où, à l’époque de feu ma jeunesse-je ne sais pas si je suis un vieux con, mais un vieux-jeune qui visse mal ses passes, oui, sans aucun doute-il m’arrivait de prendre part aux footings de reprise de l’équipe première du Plateau. L’Union Sportive du Pays de Sault. C’était toujours à l’invitation de mon oncle, ancien talonneur plutôt dur au cuir, qui assurait l’entrainement des avants avec cette dévotion particulière et le sérieux admirable des bénévoles, et là, alors, je m’accrochais pour suivre le rythme en rêvant d’un jour où, qui sait…

    Je revois encore le long cortège de ces hommes happé par le brouillard, ces hommes fiers, bâtis à chaux et à plâtre, la peau tannée par les excès de jeunesse : cette maladie si souvent mortelle, à peu près tous « sortis » des fermes et des bourgs environnants. Oui. J’entends d’ici leurs souffles, de courte haleine pour la plupart comme les fêtes de villages avaient eu raison de leur meilleure volonté, une souffle d’aventure, déjà, pour les très rares qui, dès juillet, se projetaient en trépignant dans l’épopée à suivre. Oui. Et je comprends d’autant mieux pourquoi il m’était si facile de m’identifier à eux. Je n’étais pourtant plus, à proprement parler, de là-bas. Je veux dire que je n’y vivais plus et même depuis assez longtemps. Mais le rugby était pour moi, encore à cette époque, bien autre chose qu’un sport. Ou bien était-ce ce sport bien plus qu’un sport, décrit tel quel, formules magiques après formules magiques, par les articles au long cours légendés en haut style par ces plumes qui ont fait les beaux jours de la chronique sportive…

    Notre fils aîné me demandait, toujours hier mais un peu plus tard, ce qui avait bien pu faire que le rugby ait pris une telle place dans ma vie. Au vrai je n’ai jamais brillé sur aucun terrain. Il se doute, bien sur, que cela regarde l’enfance. Il sait, je le lui ai dit, que cela n’a donc et surtout strictement rien à voir avec le sport, au sens où on l’entend ici et là. Une histoire pour attester, chapitre après chapitre, que le monde se fait bien par frottement, voilà ce que le rugby, celui de ma jeunesse en tout cas, représente toujours à mes yeux. Oui. Et aussi cette façon, unique et presque élémentaire, de chercher un peu de lumière au cœur de la violence. De découvrir ce que l’autre- partenaire ou adversaire peu importe- avait à véhiculer. Les forces obscures et ces mystères qui se déchaînaient sous toutes ces mêlées fumantes comme des lessives…

    Mon père a fini par nous rejoindre devant cette finale de challenge européen. Il n’était pas contre la victoire de ce club anglais. J’avouais, comme d’habitude, une préférence pour cette équipe d’Ecosse. L’Ecosse du rugby dont l’attitude et la noblesse de cœur, allez savoir pourquoi, me ramène toujours, peu ou prou, au temps de feu ma jeunesse. A cette mélancolie anonyme où qui sait si dans le sillage des footings de reprise de l’équipe de l’Union Sportive du Pays de Sault, il n’y aurait pas eu moyen de canaliser, une bonne fois pour toutes, les énergies opposées de cette jeunesse maudite. Oui. Qui sait...

    (Ce texte a été publié, au mois de mai 2015, dans le journal Midi Olympique, " par la seule grâce" de Jacques Verdier. La disparition, si brutale (un homme foudroyé par un infarctus au retour de son footing matinal...) de Jacques Verdier me serre le cœur. Oui, ce matin, je suis dévasté de chagrin et j'ai une pensée émue pour sa famille, même si je sais que ça ne sert à rien. Jacques Verdier était sans doute l'une des dernières grandes plumes de la presse sportive. Mon dieu et j'écris avec les pieds ce truc qui ne servira pas à grand chose non plus et...Il avait 61 ans. Venait de prendre sa retraite, après avoir été grand reporter ( il faisait honneur à une profession que les imbéciles d'aujourd'hui vilipendent sans même savoir ce qu'elle est, ce qu'elle a pu être. Mais ce n'est pas le sujet) et patron des rédactions- pendant si longtemps que...- de Midi Olympique, le journal du rugby, le seul, l'unique. Il plaçait son amour de la littérature au-dessus de bien des choses. Il était également écrivain. Ah oui. Tout ce qu'il était, de toute façon, relevait du très haut style. Il m'avait fait le très grand honneur- je n'exagère pas. Je me comprends- de préfacer deux de mes modestes ouvrages et ce matin, alors, quand je songe à nos échanges...Oui, je suis triste et je pleure...)