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  • Ce moment où on va vous découvrir...

    Parce qu'on abîme le film

    en racontant toute 

    l'histoire,

    à quoi bon dresser le bilan

    elliptique 

    de cette longue séquence:

    d'abord, cette petite rumeur

    de scie à os

    que faisait ta langue.

    Et puis je n'arrête pas

    de penser

    à ce que nous venons

    de perdre.

    Et puis, nos défaites

    perdurent.

    Enfin, nos pas qui appellent

    des voix sales

    au téléphone...

    L'angoisse que c'est de dire

    des choses qu'ensuite

    on regrette...

    Parce qu'on abîme le film

    en racontant toute

    l'histoire,

    à quoi bon ressasser

    ce moment

    où on va vous découvrir...

  • ...

    Oh mais, me dit-elle, 
    qu'avons-nous au menu,
    chaton...
    Approche. Voilà. Chut.
    Approche-approche...
    Oui, donc, qu'avons-nous,
    en espérant, ce coup-ci, 
    que tu l'entendes,
    le silence...
    Au début, ce qu'on a,
    chaton, alors, c'est une machine...
    deux êtres, les cheveux qui 
    s’entremêlent comme le souvenir
    d'un plan cul assez cohérent. 
    Vous pourriez presque,
    à la limite,
    tourner une suite...

    Et même que ça se passe-
    il s'agit, puisqu'on parle
    d'une rencontre, il s'agit
    d'un film très clos sur lui-même.
    Il faudrait, dans ce monde idéal
    qui finit toujours par ressembler
    à trois-quatre mois
    de montage, oui,
    il faudrait que le film en sache 
    plus que vous-
    et même que ça se passe
    quand tu viens d'avoir vingt ans,
    aux studios des Ursulines
    où les comédiens sont bien
    obligés d'apprendre,
    par cœur, leur réplique
    de marsupial,
    contrairement aux kangourous...

    Oui, chaton, au début
    ce qu'on a, alors
    c'est une machine.
    Et puis. Et puis...
    Après juste une petite 
    émergence du désir
    et, bien sur, encore et toujours 
    ce maudit matin
    mûr pour la folie ou l'amour,
    tout simplement,
    alors, oui, très vite
    et plus on se rapproche
    de cette première fois
    où l'on plonge plus
    qu'on ne plane,
    alors, ça ressemble peut-être
    à un sous-marin...

  • ...

    Il y a deux jours, me dit-il, 
    j'ai croisé Gianni Versace
    au beau milieu d'un rêve. 
    Un rêve presque parfait 
    où les scènes de boîte 
    de nuit étaient, 
    pour une fois, 
    filmées presque à leur insu. 
    Et alors il est là, 
    Gianni Versace,
    il est là alors même
    que les scènes
    de boîte de nuit
    s'emboîtent comme des 
    inconnus s'ajusteraient
    en parlant de deux
    choses l'une dans l'autre,
    mais oui, il est là, 
    Gianni Versace,
    tout seul au coin du bar 
    désert, son polo blanc 
    à tête de méduse 
    tout maculé de sang. 
    Ce qu'il boit? 
    Du Fernet Branca, en long drink.
    "J'ai toujours eu 
    le mauvais goût très sûr,
    tu sais. Mais avec toi, 
    j'aurais peut-être fait un effort. 
    J'adore ton regard. 
    Il est aussi profond 
    qu'une salade de gésiers 
    sur les genoux d'une biatch
    de Miami beach..."