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  • Une façon d'occuper le sol...

    L'action sent la vache
    le regain fauché
    de frais
    et la fiente
    de poule
    Mon oncle pousse
    une brouette 
    avec des manières
    de vers de pêche
    pétrifié sur un
    hameçon
    Je dois avoir seize ans
    pas plus
    J'ai envie de tourner
    un film 
    avec sa silhouette
    frêle 
    comme acteur principal
    L'action sent vachement
    mes seize ans
    pas plus
    et cette envie
    de tourner
    une comédie à l'italienne
    où l'on verrait
    mon oncle 
    ne pas attendre
    que le public vienne 
    à lui
    parce que 
    racler les bouses
    soit c'est d'une force
    burlesque
    suffisante
    soit c'est juste
    pénible
    comme un métier
    une façon d'occuper
    le sol
    Mais oui
    Soit c'est marrant et
    désuet
    une sorte de grenier
    qu'un mauvais scénariste
    de seize ans 
    pas plus
    aura pris soin
    de bourrer de vieux
    machins mélancoliques
    Soit ça vous casse 
    les reins
    le dos en prend un coup
    que vos poings
    n'ont pas le temps
    de rendre
    L'action se déroule
    vers...
    et des poussières
    ce qui accroît
    le charme
    de mon oncle et
    de sa brouette
    et du rosier 
    grimpant
    qui lèche
    les lézardes
    de la ferme
    et des fourches
    Celle à trois dents
    sert pour le foin
    Il y en a une
    qui en compte 
    quatre
    Mon oncle tire le fumier
    avec...

  • La manufacture des plaines grasses...

    J'ai passé à peu près une demi heure, me dit-il, à faire les cent pas devant le portail de la ferme. Le chien avait beau japper son salut matinal, mon père ne m'ouvrait toujours pas. Comme tout bon citadin vacancier qui ne respecte plus ses origines paysannes - quand on n'a jamais travaillé la terre, on évite de faire le malin à ce sujet-là. Donc...-, j'avais encore manqué l'heure où le troupeau s'en retourne à la manufacture des plaines grasse, là-bas, pas loin. Ces prairies communales qu'ici on nomme les prés mouillés. Pas loin, mais là-bas quand même...

    Les vaches connaissent le chemin. Elles le connaissent par cœur. Ce sont des animaux faits d'habitudes, les vaches. Leur existence broute et rumine dans un système en circuit très court ou un peu plus long, tout dépend de ce à quoi elles se destinent. Ça sort, à heure fixe, pointer à l'usine à oubli des trèfles et des luzernes. Ça rentre à l'étable, toujours aux environs de 18 h et des poussières, afin que leurs veaux, dont certains ne tiennent pas encore tout fait debout, tètent, pendant qu'une collation de regain ou de fourrage plus ordinaire leur sera servie, à petits secouements de fourche. Et puis ça rumine sur l'absurdité utilitaire d'un monde sous peu promis à l'abattoir. Et puis, enfin, elles s'endorment, bercées par le petit trafic des rats qui trottent leurs humeurs sombres sur les mangeoires...

    Je m'en voulais un peu de m'être réveillé bien après les montagnes, déjà en train de balayer les nuages. Il y a des matins où l'on se sent comme un oiseau qui vient tout juste de décider que non, non et non, il ne migrera plus en automne. Des matins où le premier café devrait pourtant vous indiquer la marche d'amertume à suivre, sauf que...On allume une cigarette dont on sait qu'elle finira par se fumer toute seule, en allant se perdre dans la brume qui monte de la route humide. Une odeur de bouse sèche qui emplit l'air...

    J'ai passé à peu près une demi heure à faire les cent pas devant le portail de la ferme. C'est à peine si j'ai entendu mon père qui arrivait dans mon dos, juché sur sa vieille bicyclette, un bâton à main droite et son béret toujours vissé tout de travers...