Une aube pareille...
Une aube pareille,
me suis-je dit,
ça ne se refuse pas.
C'était une aube très belle,
très blonde,
avec des yeux très verts.
J'aurais aimé que quelqu'un,
dans la force de sa jeunesse,
que quelqu'un
soit déjà en train d'écrire
ce matin qui se levait,
après l'ombre fraîche et reposante
de tes yeux,
ce matin qui se levait
avec sa peau de Pierrot
et ses paupières mauves.
Mais pendant, je suppose,
qu'on est en train
d'écrire
ce moment très joyeux,
presque euphorique
oui,
et dans une langue
angoissée, à force,
incertaine, forcément,
et même un peu incrédule,
je suppose qu'on n'est
déjà plus
qu'un faux jeune homme.
Alors on évite,
pour cette fois,
d'engager tout son corps
dans une aventure pareille.
Tenez, par exemple,
on regarde son père
qui dans un geste
très beau, très précis
et avec cette façon
assez unique
d'utiliser les mécanismes
vertueux de la terre,
comme on sait
que c'est pour un temps
très limité;
oui, alors on regarde
son père qui s'apprête,
par exemple,
à remettre à la page
le goût de vivre
comme on suivrait
une conversation de profil...
(grand-père. Par Baptiste Jeantet)
Commentaires
Très beaux tous ces derniers textes que je viens de lire en continuité pour cause de légères absences. En particulier ce dernier tournant autour de ton père - et grand-père, sur la photo (toujours réussies les photos de ton frère)- très délicat.
Pour reprendre sur les livres, et Brautigan en particulier, je viens également de lire ta réponse. Je rajouterais, par association de pensées un de ses prédécesseurs dans ce genre tout en finesse, humour désespéré et retenue, John Fante. Avec, évidemment Salinger, certainement initiateur de ce style tout en sous entendus discrets, et, nous en avons parlé, de J.K.Toole...Et puis d'autres, dans cette lignée que l'on pourrait qualifier d'enfantine, comme certains textes de Boris Vian et les livres de Réjean Ducharme, le Canadien...
En butinant un peu sur Google, je suis tombé sur un site "Richard Brautigan: le cimetière des illusions". Excellent...je trouve;
Avec toutes mes amitiés et à bientôt se voir....Aux deux hirondelles?...
André
Tu restes bien dans la sphère familiale avec beaucoup de délicatesse et de tendresse..