J'entends ton rire qui dérape...
Cher oncle...
Le vent bouscule les nuages...
Oui,
mon cher vieux tonton...
je ne parviens pas,
non,
toujours pas,
à me défaire de cette promesse:
tant que tu porteras
des caleçons ornés
de motifs à fleurs,
en hommage à cette fille
du Nord de l'Angleterre,
dont le moindre orgasme
était une rédemption,
alors oui,
je jure de tout mettre
en oeuvre
pour venir à bout
de ce simulacre
de poésie narrative
bien décidée à sauver sa peau
sitôt qu'un drame survient
dans toute l'entreprise...
Oui,
mon cher vieux tonton,
te souviens-tu de cette fois,
quand tu m'as dit:
"Oh la jeunesse, c'est comme
la brume, ce matin.
On dirait qu'elle s'amuse
à pisser sur l'aile
des papillons...
Je crois pouvoir affirmer ceci:
je suis vraiment vieux depuis
sept mois,
et là, c'est pareil,
je progresse un peu
chaque jour...
Mon cher oncle,
combien de kilomètres,
selon toi,
depuis nos premières interrogations,
lorsqu'on craignait trop
de mourir d'ennui
au cœur
de nos hésitations croissantes
puisque
à caresser la peau
de l'évidente jeunesse,
il n'aurait pas fallu
grand chose
pour que nos mains
basculent
vers cette sorte
de délinquance juvénile,
inepte, rurale
et sans lendemain...
L'année de mes seize ans,
la nuit, j'apprenais à danser.
le jour, je faisais semblant
de vivre...
Oui,
mon cher vieux tonton,
combien de kilomètres,
depuis les locations saisonnières
de l'adolescence
jusqu'à nos lèvres blanches...
Ce matin, ils prétendent
que tout est lié
au même désir
qui grandit,
et j'entends ton rire qui dérape
dans le rétroviseur
d'un souvenir...
(Tonton Gilbert. Photo Baptiste Jeantet)