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Un épais tapis de crottes de puces...

Tu sais, me dit-il, j'ai connu une fille. L'échec et moi, à l'époque, on vivait assez bien ensemble. L'amour était, encore et toujours, le sentiment le plus difficile à acclimater, la musique s'écoutait le volume poussé jusqu'au plus fort et les chiens borgnes, nés avant 66, s'évertuaient à pisser sur toute la création en fomentant de vastes projets de covoiturage pour le zoo le plus proche. Oui. A force, on avait fini par comprendre. C'était même au point que, depuis plusieurs semaines, on avait cessé de s'en vouloir, comme ça, mutuellement. J'avais fini par me faire à l'idée que Kim Wilde pourrait, avec un surcroît d'imagination,  devenir la madone des bibliobus, une Zelda recalée au certificat d'études, faussement blonde mais tellement plus neurasthénique que sa devancière, puisque même pas de Scottie Fitzgerald de pacotille à portée de main, Paul Young et Simon le Bon s'étant tour à tour désengagés de la pièce, tendre, nocturne et moraliste, qu'un auteur de Greenwich village avait imaginé à la suite d'un trip sous LSD avec de sévères remontées acides.  Elle t'aurait plu. C'est cette fille qui a inventé, sans le savoir, l'amour liquide au téléphone. Elle était passée maître dans l'art de jongler-deux balles dans la main droite, une troisième dans l'autre main- avec les fantasmes des gens; elle vous susurrait des mots crus au creux moite de l'oreille et c'était comme si elle lançait des chats. C'était une fille dont chaque geste revenait un peu à faire ça: lancer des chats à la face du monde. Des chats de race. Un monde dont le dos était couvert d'un épais tapis de crottes de puces...

 

(photo Frédérick Jeantet)

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