Flottant...
Courir, me dit-il, ça n'a, bien sur et à mon humble avis, rien à voir avec l'écriture. Strictement rien à voir. Même si quelqu'un- accessoirement un grand écrivain-comme Murakami, vous dira le contraire, lui qui court désormais le marathon après s'être longuement shooté à la nicotine. Lui qui a " simplement" - même si rien n'est simple avec les addictions- jugé plus profitable et judicieux de remplacer une drogue par une autre, certes plus hygiéniste, d'accord, d'accord... Mais c'est une toute autre affaire. Et cette affaire concerne au premier chef Murakami, lui seul et ses nombreux lecteurs, qui ont rudement raison- fallait-il que je le précise?- de suivre cette foulée-ample, diablement efficace. Et puis cette cadence...- que l'écrivain coureur de fond nomme " vitalité". Que ses livres reposent en paix. On écrit, il me semble- je parle pour moi. Je reste bien sagement à ma place. Je tiens ma position coûte que coûte, en dépit des moyens assez maigres dont je dispose. J'organise, au cas par cas, ma propre précarité et mes petits privilèges. Je me suis collé moi-même dans le pétrin alors il faut bien que je m'en démerde. S'il me venait un jour l'idée de déserter, pourvu que ma main ne tremble pas au moment d'accélérer la sentence, comme ça d'un coup sec et crac pour l'exemple-, oui, on n'écrit pas comme on court, me semble-t-il, mais plutôt comme on aimerait courir ou avoir couru, d'après une autre mémoire du corps, enfin, je ne sais pas...Ou bien...Mieux vaut oublier tout ça....
Parfois, mais oui de telles choses se produisent, l'envie nous prend de recourir alors que c'est trop tard la jeunesse. Se sentirait-on soudain un peu à l'étroit dans sa peau? Allez-allez, mon short- ce flottant de rugby trop court pour ces cuisses décidément très grasses, décidément bien molles-, un vieux maillot réplica pourri- la tunique éternelle du Stade Toulousain. Le rugby c'est ma part de sacré. Voilà. Et puisqu'il meurt un peu plus à chaque match, mon cher club de cœur, c'est sans doute le meilleur moment de le remercier pour tout. Oui. Sans ce genre d'émotions, jamais je n'aurais eu l'idée de m'accouder, le corps en charpie et l'esprit malsain comme il faut, au comptoir graisseux et magnifique de la baraque à frites de la poésie. Non. Jamais. Et peu importe que vous trouviez ça risible. Si seulement, une fois dans votre vie, vous aviez milité au parti de la sueur et de l'idéal simplifié, si seulement, peut-être qu'alors...-, mais oui, allez-allez et que ça saute, mon flottant, mon vieux maillot réplica pourri et ma paire de baskets au regard d'homme grenouille et puis, hop-hop-hop, que nos derniers rêves transpirent une bonne fois pour toutes...
(photo Baptiste Jeantet)
Commentaires
Ce soir, trop tard pour écrire, pour moi. Malgré l'envie....
Juste dire que j'aime beaucoup toutes les photos. De ton frère, je suppose?
A bientôt....Quand un peu de courage(?), de volonté(?), choisissons de dire: un peu plus de facilité me sera revenu.
André