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Rassurez-vous, cette fois, je ne vais pas vous faire le coup du poème sale au réveil. Bien avant cette vie qui nous occupe où le temps est un chat dont les pattes s’avancent, reculent, un chat qui fait le dos rond et sous la main, crainte épuisée, finalement ronronne. Bien avant que nos nuits épousent la solitude, l’amour, la vie, la mort et d’autres banalités de cet ordre, un jour alors tu m'as dit :" ce sont toujours ceux dont on ne parle pas qui survivent dans les épopées." Rassurez-vous, cette fois, il ne saurait être question d'une de ces nuits avec un gout sucré de pomme sauvage. Encore une de ces nuits où on passe son temps à vouloir qu'on vous aime. A regarder par la fenêtre avec une envie soudaine de train de marchandises. Une envie de chansons rapides qui habitaient, à l'époque, dans des pays de plaine. Des pays où le temps était prêt à saigner au milieu d'autres gamins aussi gouapes et morveux que lui. Le temps, vous savez, à cet âge, c’est ce tambour qu’on frappe jusqu’à ce que nos mains sentent le caoutchouc brûlé, qu'on frappe comme un perdu pour couvrir les rumeurs de la mort alentour. Rassurez-vous, cette fois, peut-être que tout était dit. Peut-être que tout était là. Mais on n'a pas su quoi regarder. Qui écouter. Un jour, pourtant, tu m'as dit qu'il suffisait parfois d'arriver sain et sauf jusqu'au mardi pour que la semaine passe plus vite...
(Photo Frédérick Jeantet)