Contre le crépuscule

Où vers quoi
pédale-t-il
chaque matin
cet homme précédé
d'un grand chien fauve
comme un réveil
maussade
dans l'aube brouillée ?
À cette heure
aucun cri de nourrisson
pour faire office
de chant du coq
Aucune portière claquée
vers une envie de croissant
La presse quotidienne régionale
patiente comme une épouse
de longue peine
avant l'heure légale
des visites
Il est presque toujours
6 h 00
quand ma cigarette et moi
nous l'apercevons
Tous les balcons
de la résidence
peinent à boire
l'eau moite de la nuit
La marée remonte
en bas sur la plage
L'air d'une vieille foraine
qui pousse ses cerceaux
contre le crépuscule
Il est presque toujours
7 h 00
quand nous guettons
le retour du cycliste
et de son chien
C'est chose vaine
Sans doute appartient-il
à cette espèce d'êtres
qui n'ont nul besoin
de test de paternité
pour valider leur existence
Alors ils vont
gagnent ou perdent
et jamais ne reviennent
Entre les pins
l'orage traîne encore
sans dissuader pour autant
les joggeurs éternels
Ni les promeneuses
de cabots
parties voir
si le sable refusera
pour peu que la pluie
s'y mette
d'escorter leurs joies
toutes simples
d'être là tout simplement
Certains fument leur
gueule de bois
au menthol
D'autres courent après
une jeunesse perdue
d'avance
Les enfants de promeneuses
de cabots
ont-ils plus de chance
de tenir leurs rêves
en laisse ?
Les gens ont dû mal
à arrêter
ce qui est mauvais
pour eux