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Lubies - Page 41

  • ...

    Ils venaient encore
    de tondre la pelouse
    d'un peu trop près
    un peu trop ras
    et puis en période
    de canicule
    en principe on évite
    de tondre le gazon
    et ça tu le sais
    depuis ton enfance
    grandie au milieu
    des vaches
    qui couraient tellement
    plus vite
    que les chevaux de western
    oui mais leurs cornes
    et quand elles se retournaient
    sur les chiens
    avec des envies
    de violence réécrites
    dans les piqûres des mouches
    ou des taons
    alors sur les chiens
    ça pouvait faire très mal
    La veille tu avais lu
    sur tous les murs
    de la ville :
    préparez-vous l'été arrive
    Tu t'étais dit
    c'était il y a
    fort-fort longtemps :
    le choc du feuilleton
    estival obligatoire
    toujours un peu trop
    pressé de montrer
    son cul de feel good movie
    au gens
    risque-t-il de
    rencontrer une résonance
    dans les tragédies
    vécues- la " farce
    des choses "-
    par les gens heureux
    d'être malheureux
    faute de...
    La vieille voisine
    qui savait des passages
    d'Antigone- l'Antigone
    d'Anouilh -
    par cœur
    brandissait encore
    sous le nez de sa pauvre
    auxiliaire de vie
    la menace imminente
    d'un suicide
    au charbon de bois
    tant que celle qu'elle appelait
    "l'autre " - on est toujours
    l'autre de quelqu'un -
    s'évertuerait à lui planquer
    son paquet de Vogue Lilas
    sur la dernière étagère -
    définitivement hors d'atteinte
    depuis sa fracture
    du fémur -
    de la bibliothèque
    Tu étais en train
    d'essuyer tes verres
    recuits d'un peu
    trop près
    par les vapeurs haute température
    du lave-vaisselle
    Ensuite viendrait le moment -
    ce moment que tu retarderais
    à l'aide d'une ou deux
    cigarettes
    et d'une bonne tasse
    d'un café avec toujours
    beaucoup trop de grains
    moulus beaucoup trop fin-
    le moment de dresser
    la table
    puisqu'il y aurait bientôt
    une fête ici
    Ils venaient encore
    de tondre la pelouse
    malgré la canicule
    Mais tu avais vraiment
    bonne mine
    à exposer ta vraie-fausse
    science du jardinage
    et de l'agriculture
    Sur la terrasse
    tes fleurs crevaient de soif
    comme le cadavre
    des illusions d'un monde
    convaincu d'être débridé
    et suractif
    Oh oui tu penses...

  • L'été, ça va. On voit mieux...

    Personne n'a pris
    la peine
    de nous prévenir
    mais nos chansons
    préférées
    et même
    longtemps après
    ont pu parfois
    faire obstacle
    à la jeunesse
    C'est comme ça
    une chanson
    On partage ses secrets
    son lit et son argent
    Et puis...
    A peine le printemps
    ce brave garçon
    a-t-il eu
    ses deux petits mois
    de carence
    pour mettre à profit
    l'unique leçon
    à repasser les soirs
    d'automne :
    il faut apprendre et
    prendre le temps
    de comprendre
    l'autre
    Quels sont ces rouages
    intimes ?
    Pourquoi ses différences
    me complètent ?
    Personne n'a pris
    la peine
    de nous instruire
    sur ce qui se
    passerait
    après que l'été
    vous ait invité
    à redresser le siège
    à rabattre la tablette
    à boucler votre ceinture
    avant le décollage
    immédiat et puis
    c'est le temps
    du voyage
    Le temps de mûrir
    pour une romance
    nerveuse
    qui revient pointer
    le petit bout
    de son petit nez
    à la porte d'embarquement
    Et le vent déjà
    se déchaîne à la poupe
    Et nos mots d'amour
    qu'on croyait
    sans un sou en poche
    s'apprêtent à parcourir
    le monde
    Et voilà vos larmes
    déclinées sous plusieurs
    thématiques
    qui sèchent toutes
    seules
    comme le linge
    et la rosée
    étendues mieux
    qu'une escalade
    de l'Himalaya
    Et voilà
    on voit beaucoup mieux...

     

  • Là où le bât blesse...

    J'écoute un truc

    des Chemical Brothers

    Symétrie dans les plans
    et l'espace

    tissée de boucles

    par de très anciennes machines

    à détricoter
    le pull marine

    de nos mélancolies
    ridicules

    Laissez-nous seuls

    trois minutes

    et je vais te la faire

    suer pour de bon

    cette bonne vieille

    soupe de légumes

    dans laquelle
    on surnage
    en patouillant
    du haut
    arrogant
    et prétentieux

    de nos pauvres petites
    pattes
    de héron
    -
    un jour tremblant
    comme
    un saule tortueux

    vous avez dit:
    je t'aime

    pour la première fois

    et vous aviez l'air fin

    d'un notaire de Chabrol

    découvrant les Beastie Boys

    par un bel après-midi
    d'indivision.

    Depuis ce jour l'histoire

    par intermittence

    se répète

    et vous n'en tirez
    aucune leçon...

    Seriez-vous sot
    à ce point-là ?
    -
    Ah ça mais...

     

    J'écoute Crystal
    de New Order

    et à mon tour je me mets

    presque aussitôt

    à casser facilement...

    Un matin de juillet 1989

    au siècle dernier par conséquent

    alors
    j'ai emmené une fille

    et c'était dans une barque

    pour faire du canotage

    passionné
    et badin soit disant -

    La princesse de Clèves

    et les travelos

    ont-ils jamais fait

    bon ménage ?

    Oh toutes ces montagnes

    de questions chantait
    l'autre
    et je ne ne suis

    décidément pas

    le meilleur chasseur alpin

    du monde libre -

    sur l'un des lacs
    du Bois
    de Boulogne...

    Je me suis mis en tête

    de l'embrasser cette fille

    et bien sûr

    notre amour naissant

    est vite tombé à l'eau

    Mais ça toujours bien sûr

    alors que nous ne sommes

    jamais bien sûrs de rien

    vous l'aviez vu venir

    comme le nez
    au milieu
    de la figure
    de Cléopâtre

    Trop vieux lecteurs

    ou trop fans de cet humour

    de l'entre-deux guerres

    que je cultive
    on ne sait pas
    vraiment pourquoi -

    Un auteur bien en cours

    m'a dit un soir:

    " de quoi tu te plains?

    On a les lecteurs
    qu'on mérite..."

    J'aurais mieux fait

    de lui coller mon poing

    sur le nez

    J'ai mieux fait de

    ne rien faire...-

    Un matin de juillet 1989

    ainsi donc...bref

     

    J'écoute encore Crystal

    de New Order -
    assez fascinant
    sitôt qu'on songe

    que ces mecs ont su faire
    danser
    tout l'univers
    avec
    tout un tas de pendus
    lynchés
    en plein milieu
    d'un beat
    bouleversé par
    un siècle
    de feuilles
    mortes -

    et ce matin de maintenant alors? -

    un samedi matin
    de vraie-fausse
    canicule

    Il y a des matins de
    vraie-fausse
    canicule

    comme il y a surement aussi

    des matins de vrai-faux

    chignon

    et voilà adieu Berthe

    Si tu me quittes

    le train repartira une fois
    de plus

    en sens inverse

    Oui un matin de vraie-fausse

    canicule et il parait

    que tout le pays
    transpire

    Il parait -

    et ce matin de maintenant

    alors
    on fait quoi?
    On s'aime
    en puisant
    nos visages
    déformés

    dans la cuvette ?

     

    J'écoute mes os qui craquent

    Je bois un café

    au bistrot du coin

    qui donc fait l'angle

    J'écoute plus rien

    oublié mon casque à la maison

    Dans l'oubli du casque

    alors je fume à peine

    et puis je me mets à tousser

    Il y a un type très vieux

    et trop seul

    Son envie de parler
    à quelqu'un

    me file un de ces tracs

    et pourtant je n'ai jamais

    songé à devenir comédienne

    Ce type a envie de me parler

    et il finit par le faire...

     

    Vous fumez, me dit-il

    ou vous avez fumé?

    Vous toussez
    souvent

    parfois même

    vous vous étouffez, non?

    Je vais tout vous expliquer

    Les gamins de seize ans

    quand ils atteignent

    leur quarantième-huitième
    année

    ils continuent
    de porter
    des discours
    bien trop malins

    pour leur toute petite

    compréhension

    Les gamins de seize ans
    éternels comme des stalactites


    qui et ça fait un moment

    ont très tôt viré en tête

    du tour de France -

    et croyez-moi y'avait

    beaucoup de monde à se presser

    avant que le cri des vautours

    ne suspende son envol

    au-dessus des hôtels
    de passe

    beaucoup de monde
    à se presser
    sur la ligne de départ -

    oui en tête du Tour de France

    de la connerie pour nous les hommes

    ces gamins de seize ans là
    quand ils recommencent à se perdre

    dans certaines zones

    enfin vous savez de quoi je parle...

     

    Alors à la toute fin
    ils se retrouvent
    les yeux...
    les larmes comme
    des rames
    frappant leur visage...

    et l'air falot et défoncé

    de David Carradine

    dans Kung Fu

    Seuls les gamins de seize ans

    qui viennent d'accoster

    sur les rives

    de leur quarante-huitième année

    peuvent saisir
    la référence

    Vous voyez bien

    là où le bât blesse...