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Je donnerai un millier d'années d'évolution pour boire une bière avec cet écureuil qui me nargue et la serveuse atrabilaire me raconte que cette saloperie d'animal fait le coup au premier touriste qui s'efforce de chasser à l'approche tout son sale petit rituel de pensée magique dans les promesses forcément abstruses de l’hôtellerie de proximité La serveuse me raconte puisqu'elle n'a que moi sous la main comment les play-boys viennent même d'Angleterre et en moto parfois pour se guérir des blondes Je suis en manque de sommeil et si je ne manquais que de ça... La serveuse allez tiens il est temps que je lui laisse la parole... " en plus c'est écrit dans un journal de Paris qu'ici la table est bonne... Je vous refais un café, monsieur, mais un qui réveille..." La serveuse parle On dirait une licorne qui révise le bac près d'une boîte à chaussures... "...mi-cuit de foie gras sa brioche et sa verrine..." La serveuse parle comme le train que tu prends tous les jours...
Je retrouve la ville Ses grâces sordides me percent Sa beauté trouble m'éblouit comme un soleil après que le repos et l'abstinence aient raffermi ma main Je retrouve la ville qu'on ne quitte jamais vraiment Je laisse loin derrière moi les yeux de la nuit qui me regardent sans la moindre expression... Je retrouve la ville qu'on n'abandonne pas qui me dit que c'est si beau la vie alors j'aimerais savoir comment je m'y prendrais pour vivre Je retrouve la ville comme on s'empresse de secouer sa vieille carcasse d'os dans une fresque comme on les aime Je retrouve la ville je renoue avec un tremblement de terre mais encore avec la vieille harmonie et aussi pour faire en sorte que le monde d'avant et même celui dont nos rêves accoucheront peut-être dans un bruit de barbecue compliqué ou va savoir dans des cris de joie à réveiller l'âme des presque morts qui jonchent les trottoirs de l'ombre Oui va savoir puisque on ne sait rien... Je retrouve la ville afin de recevoir à nouveau son sourire entre mes doigts écartés comme les bras d'un ruisseau à sec auquel il tarde que la terre lui rouvre son cœur mouillé de pluie Je retrouve la ville avant que la triste chaleur d'homme mort d'un nouveau départ rallume l'ombre et la poussière...
Nous étions jeunes, comme ça, absolument. La ville buvait nos mauvaises sueurs comme une marée. Nous étions jeunes. Nous étions même la première génération oisive. L'été vous prenait un peu par surprise, à cette époque. L'oisiveté jouait à la maman parfaite de tous les premiers vices, au papa défaillant un weekend sur deux. Oui, voilà. Les choses ont-elles vraiment changé? Sans doute. Ou peut-être pas...
Nous étions jeunes. Nous tombions amoureux tout de suite, puisque c'était toujours tout de suite qu'il fallait choisir. Les uns voulaient apprendre à jouer de la guitare. Les autres à faire des films. Tout un chacun dans sa chacune et vice inversé, bref, tout le monde voulait mettre beaucoup d'amour dans ses futures chansons, ses prochains films, ses slows braguette à venir, ses brunch au café Marly, ses graffs griffés d'angoisse à la lisière des Quatretemps. Nous étions jeunes et nous nous mettions, un peu toutes-un peu tous, à sortir pour rencontrer des gens. Nous étions jeunes, comme ça, dans l'oisiveté du moment. Les gens qu'on rencontrait, parfois nous souriaient, parfois encore claquaient des dents. Le Paradis ou l'Enfer se promenaient sur leurs visages. Il allait falloir apprendre à lire le langage du corps. Apprendre à interpréter les pleurs et les sourires. Et vite.
Nous étions jeunes. C'était l'été. Parfois, c'était un été en ville. Parfois, aussi, c'était un été en province. En province ou en ville, on partageait son argent, ses secrets et son lit. Il y avait toujours un joli garçon. Toujours une blonde avec des petits seins mais qui courait à une allure folle. Une brune qui piquait ton cœur à son cou d'impératrice déjà trop vieille pour mourir dans la jeunesse d'un premier soir.
Nous étions jeunes. Nous refusions de porter un discours. Notre idéal se simplifiait tout seul en essayant de combler quelques lacunes dans nos vieux dossiers adolescents. Pour remettre de l'ordre dans tout ça, il suffisait d'une bouche. D'une danse de paon sous un platane centenaire où on voudrait toujours avoir seize ans. D'une vieille caisse pourrie mais à peu près décapotable, empruntée à un père au sommeil très lourd à cause d'un ventre beaucoup trop plat.
Un jour, à force, nous avons vieilli. Les uns n'ont pas écrit leurs chansons. Les autres n'ont pas tourné leurs films. Tout le monde n'a pas pu réduire la profondeur de ses cicatrices. Tout le monde ne s'est pas mis, non plus, à offrir des gin-tonic à sa petite amie juste avant de la découper en morceaux. Les uns et les autres, en vieillissant, n'ont pas eu d'autre choix que d'acclimater leurs déséquilibres à la corde raide où la vie les forçait maintenant à s'avancer, avec tout leur attirail de voyageurs de commerce...