Somnambules

Dans ma jeunesse la queue de cheval
était la coiffure de prédilection
de certains de mes amis
les uns pressés les autres
soucieux d'une coiffure stylée
sans trop se prendre la tête
Les filles je n'ai jamais trop su
J'ai vieilli en oubliant de leur demander
Maintenant n'en parlons plus
Il est trop tard
Nous sommes en 2025
et pour cet homme que j'observe
depuis presque deux heures
derrière une fenêtre d'école
il aura également suffi
de quelques secondes
et d'un élastique
La vie aime parfois
se simplifier l'existence
Bientôt deux ans
chaque midi entre 11h30 et 13h30
que je guide un petit groupe
de touts petits enfants
vers une salle de sieste
Quelques astuces de grands-mères
finissent par avoir raison
de leurs turbulences de gosses
souvent couchés trop tard
ou ayant raté d'une gare
le train du sommeil
la veille
ou confinés à deux
sur un coin de matelas
temporaine et trop étroit
J'éprouve une tendresse particulière
pour les enfants de cette école
A chaque automne qui passe
comme un cirque au ralenti
je deviens pourtant
de moins en moins sentimental
de moins en moins sensible
à tous ces trucs un peu tire-larmes
L'enfance c'est autre chose
Un âge que ma mémoire
a dû mettre entre parenthèses
dans une zone de protection perpétuelle
Un âge rempli d'intentions méchantes
hérissées de tout un tas de gentillesses
Cette salle de sieste
a vue sur un immeuble
dont la façade m'évoque
un paquebot échoué en cale sèche
Dans ma jeunesse certains de mes amis
arboraient encore une queue de cheval
L'homme que j'observe
en train de faire les cent pas
au pied de l'immeuble
sa tête basse qui mesure
la longueur du jour
depuis la salle où quinze petits corps
dorment paisiblement
aurait pu faire partie
du petit groupe que nous formions
il y a quelques cauchemars
somnambules de là