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Des ombres

Les jolies vues 

ça paie pas les factures 

L'internationale des serveuses

et des serveurs 

qui vivent les saisons 

déclarées ou moins 

d'Auray à la Trinité sur Mer

le savent bien

Elles et ils courent

pourtant sans désemparer 

leurs plateaux de bonne humeur 

levés en haut style 

tendus comme autant d'offrandes 

sacrificielles 

dans l'espoir de vivre

pour certains un jour

après l'autre 

quand d'autres fomentent

secrètement des désirs 

d'ailleurs 

Le plus souvent une bande

musicale pour décor 

d'ensemble 

permet de maintenir 

à un niveau sonore

raisonnable 

trop de bruits 

dans toutes ces oreilles 

Rires et rumeurs

des conversations

qui naissent depuis les terrasses

jusqu'à gonfler comme

une ligne de basse

lourde et lente

vers l'intérieur des salles 

 

Hier en fin d'après-midi 

à cette heure où le soleil 

faisait enfin son âge 

Nous nous sommes assis 

à l'une de ces terrasses 

Tes yeux dans le sillage 

de cette serveuse

si jeune et le visage déjà 

plus qu'un brouillon de lumière 

Tu m'as dit

Elle est morte de fatigue 

et n'empêche quelle figure

énergique 

 Peut-être qu'elle pense 

j'en peux plus mais

l'été ne va pas 

se vider tout seul 

Peut-être qu'elle nous regarde 

comme de simples silhouettes 

Qu'elle a appris à nous sourire 

comme à des ombres 

 

Tu as raison 

Il y a trop de monde 

par ici 

De toute façon 

même les mouettes 

ont déserté le ciel 

sans doute par crainte

qu'on les dépouille 

de leur vol

Une main tire la nuit 

par là -bas

et depuis l'invention 

du tourisme de masse 

l'oeil du peintre 

nous a relégué au rang

de simples mannequins

pris au piège des vitrines 

d'un mois d'août 

épatant de santé 

 

 

 

 

 

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