Là où le bât blesse...
J'écoute un truc
des Chemical Brothers
Symétrie dans les plans
et l'espace
tissée de boucles
par de très anciennes machines
à détricoter
le pull marine
de nos mélancolies
ridicules
Laissez-nous seuls
trois minutes
et je vais te la faire
suer pour de bon
cette bonne vieille
soupe de légumes
dans laquelle
on surnage
en patouillant
du haut
arrogant
et prétentieux
de nos pauvres petites
pattes
de héron
-
un jour tremblant
comme
un saule tortueux
vous avez dit:
je t'aime
pour la première fois
et vous aviez l'air fin
d'un notaire de Chabrol
découvrant les Beastie Boys
par un bel après-midi
d'indivision.
Depuis ce jour l'histoire
par intermittence
se répète
et vous n'en tirez
aucune leçon...
Seriez-vous sot
à ce point-là ?
-
Ah ça mais...
J'écoute Crystal
de New Order
et à mon tour je me mets
presque aussitôt
à casser facilement...
Un matin de juillet 1989
au siècle dernier par conséquent
alors
j'ai emmené une fille
et c'était dans une barque
pour faire du canotage
passionné
et badin soit disant -
La princesse de Clèves
et les travelos
ont-ils jamais fait
bon ménage ?
Oh toutes ces montagnes
de questions chantait
l'autre
et je ne ne suis
décidément pas
le meilleur chasseur alpin
du monde libre -
sur l'un des lacs
du Bois
de Boulogne...
Je me suis mis en tête
de l'embrasser cette fille
et bien sûr
notre amour naissant
est vite tombé à l'eau
Mais ça toujours bien sûr
alors que nous ne sommes
jamais bien sûrs de rien
vous l'aviez vu venir
comme le nez
au milieu
de la figure
de Cléopâtre
Trop vieux lecteurs
ou trop fans de cet humour
de l'entre-deux guerres
que je cultive
on ne sait pas
vraiment pourquoi -
Un auteur bien en cours
m'a dit un soir:
" de quoi tu te plains?
On a les lecteurs
qu'on mérite..."
J'aurais mieux fait
de lui coller mon poing
sur le nez
J'ai mieux fait de
ne rien faire...-
Un matin de juillet 1989
ainsi donc...bref
J'écoute encore Crystal
de New Order -
assez fascinant
sitôt qu'on songe
que ces mecs ont su faire
danser
tout l'univers
avec
tout un tas de pendus
lynchés
en plein milieu
d'un beat
bouleversé par
un siècle
de feuilles
mortes -
et ce matin de maintenant alors? -
un samedi matin
de vraie-fausse
canicule
Il y a des matins de
vraie-fausse
canicule
comme il y a surement aussi
des matins de vrai-faux
chignon
et voilà adieu Berthe
Si tu me quittes
le train repartira une fois
de plus
en sens inverse
Oui un matin de vraie-fausse
canicule et il parait
que tout le pays
transpire
Il parait -
et ce matin de maintenant
alors
on fait quoi?
On s'aime
en puisant
nos visages
déformés
dans la cuvette ?
J'écoute mes os qui craquent
Je bois un café
au bistrot du coin
qui donc fait l'angle
J'écoute plus rien
oublié mon casque à la maison
Dans l'oubli du casque
alors je fume à peine
et puis je me mets à tousser
Il y a un type très vieux
et trop seul
Son envie de parler
à quelqu'un
me file un de ces tracs
et pourtant je n'ai jamais
songé à devenir comédienne
Ce type a envie de me parler
et il finit par le faire...
Vous fumez, me dit-il
ou vous avez fumé?
Vous toussez
souvent
parfois même
vous vous étouffez, non?
Je vais tout vous expliquer
Les gamins de seize ans
quand ils atteignent
leur quarantième-huitième
année
ils continuent
de porter
des discours
bien trop malins
pour leur toute petite
compréhension
Les gamins de seize ans
éternels comme des stalactites
qui et ça fait un moment
ont très tôt viré en tête
du tour de France -
et croyez-moi y'avait
beaucoup de monde à se presser
avant que le cri des vautours
ne suspende son envol
au-dessus des hôtels
de passe
beaucoup de monde
à se presser
sur la ligne de départ -
oui en tête du Tour de France
de la connerie pour nous les hommes
ces gamins de seize ans là
quand ils recommencent à se perdre
dans certaines zones
enfin vous savez de quoi je parle...
Alors à la toute fin
ils se retrouvent
les yeux...
les larmes comme
des rames
frappant leur visage...
et l'air falot et défoncé
de David Carradine
dans Kung Fu
Seuls les gamins de seize ans
qui viennent d'accoster
sur les rives
de leur quarante-huitième année
peuvent saisir
la référence
Vous voyez bien
là où le bât blesse...
Commentaires
Benoit m'avait mis cet air christallin dans la tête. Un petit coup de polissage version HD remaster, ou live 2002, et le cristal était comme repoli et brillant de tous ces feux, artifice musical réassuré. J'avais oublié ce son de basse qui rappelle à l'ordre. Immanquable et pourtant oublié. Des instants où tu te baignais dans la sueur des dance floor, à la recherche de ton moi, miroir aux alouettes. On s'est fait plumé plus d'une fois, c'était là où le bât blessait. Mais aujourd'hui, j'avais décidé de me faire la malle au Sénégal, à poil sous la lune, et les tam tam Woodstock.