Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Cadavre de l'enfance...

Un cadavre de chat
dérivait,
dans le courant glacé,
 
dérivait,

me dit alors mon père.
Et d'ici maintenant
à ces mots d'hier,
toutes ces fois
que les corbeaux 
suspendent leur noirceur,
au dessus des albums
de famille
que j'exhume,
quand je veux revoir
les cadavres de l'enfance,
je crois que
le courant est toujours
glacé
et je me souviens 
qu'alors,
quand mon père 
me parlait,
il avait à peine
cinquante mots 
à vivre,
cinquante mots
pour dire:
où, comment, pourquoi,
ce 6 septembre,
maman, oui, maman
avait reçu
deux balles.
L'une dans l'oeil gauche,
oui, deux balles,
et l'autre
au sommet du sternum,
avant d’être enterrée 
comme inconnue
dans une de ces fosses 
où vous savez,
oui, vous savez,
l'on martyrise la mémoire,
un fusil braqué sur la gorge 
des derniers témoins.
Un cadavre de chat 
dérivait, 
me dit alors mon père,
dérivait
dans le courant glacé.

 

Photo Frédérick Jeantet.

 

Les commentaires sont fermés.