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Je sais...

Je sais…Oh mais mon dieu que cette table doit te sembler froide sous la main…Je sais que tu es jeune et que le soleil brille encore assez haut. Si jeune. Je sais…Nous sommes vendredi et ta mère doit peler des pommes. Sa pâte brisée repose comme d’habitude dans un linge, au frigo. Et dire que tu voulais des sushis et un smoothie. Je sais…C’est l’heure où toutes les écoles de la ville déversent ces silhouettes fugitives qui filent sur le trottoir de l’ombre comme les rêves perdus de l’enfance. Je sais que l’enfance c’est ce quartier perdu. Un de plus que le crépuscule, sans prévenir, aura frappé d’alignement. Je sais que toutes les pétitions du monde n’auraient, de toute façon, rien pu faire. L’enfance ça commence par des envies de mercure, de planètes lointaine et puis peu à peu les petits nez s’allongent, se mettent à sentir la colle, le tabac froid, des trucs de contrebande qu’on s’attendait pas à trouver en chemin. Je sais…Pour un silence de trop, un mot compris de travers, tu bascules dans un entre soi, tout à tour lumineux et sombre, où une poignée d’amis, maladroits oui mais des tendresses minuscules, assure la relève de la famille. Je sais...C’est l’age où tu commences à fomenter un tas de petits groupes comme autant de républiques précaires. Et tout ça pue un peu la mort, la chaussette sale et la lose. Je sais…Tout ce qui t’importe c’est qu’au moins l’énergie circule. Je sais…D’autres pensent déjà à la suite qu’il va falloir donner à leur parcours sans faute, quand tu clames à perdre haleine ton droit à l’erreur…Je sais…Tu tombes amoureux et puis tu te relèves. Je sais que tu attends que ça saigne sous l’épingle où tu penses avoir accroché ton cœur…Je sais…Ton père te propose de l’accompagner au match, parce qu’en principe quand même…Pas que l’idée te déplaise. Non. Mais tu ne supportes plus qu’il t’appelle encore par ce surnom atroce et ridicule de quand t’étais petit. Je sais qu’alors tu surjoues la colère. Le mépris. Je sais…Même s’il ne le montre pas trop, tu sais que ça le rend triste. Et puis il passe à autre chose. Il est passé par là, lui aussi, un jour peut-être, plus tard, il te racontera la tête de son vieux en découvrant ce poster de Bowie punaisé dans sa chambre, celui où il pose vêtu en robe longue. Oui. Plus tard, peut-être…Je sais qu’au fond je ne sais rien à part ce que tu veux bien m’apprendre. Je sais que j’ai tout le temps pour ça. Que le temps, c’est encore une façon de parcourir sa jeunesse en sens inverse. Avec un âne et trois euros…

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