...
Ils venaient encore
de tondre la pelouse
d'un peu trop près
un peu trop ras
et puis en période
de canicule
en principe on évite
de tondre le gazon
et ça tu le sais
depuis ton enfance
grandie au milieu
des vaches
qui couraient tellement
plus vite
que les chevaux de western
oui mais leurs cornes
et quand elles se retournaient
sur les chiens
avec des envies
de violence réécrites
dans les piqûres des mouches
ou des taons
alors sur les chiens
ça pouvait faire très mal
La veille tu avais lu
sur tous les murs
de la ville :
préparez-vous l'été arrive
Tu t'étais dit
c'était il y a
fort-fort longtemps :
le choc du feuilleton
estival obligatoire
toujours un peu trop
pressé de montrer
son cul de feel good movie
au gens
risque-t-il de
rencontrer une résonance
dans les tragédies
vécues- la " farce
des choses "-
par les gens heureux
d'être malheureux
faute de...
La vieille voisine
qui savait des passages
d'Antigone- l'Antigone
d'Anouilh -
par cœur
brandissait encore
sous le nez de sa pauvre
auxiliaire de vie
la menace imminente
d'un suicide
au charbon de bois
tant que celle qu'elle appelait
"l'autre " - on est toujours
l'autre de quelqu'un -
s'évertuerait à lui planquer
son paquet de Vogue Lilas
sur la dernière étagère -
définitivement hors d'atteinte
depuis sa fracture
du fémur -
de la bibliothèque
Tu étais en train
d'essuyer tes verres
recuits d'un peu
trop près
par les vapeurs haute température
du lave-vaisselle
Ensuite viendrait le moment -
ce moment que tu retarderais
à l'aide d'une ou deux
cigarettes
et d'une bonne tasse
d'un café avec toujours
beaucoup trop de grains
moulus beaucoup trop fin-
le moment de dresser
la table
puisqu'il y aurait bientôt
une fête ici
Ils venaient encore
de tondre la pelouse
malgré la canicule
Mais tu avais vraiment
bonne mine
à exposer ta vraie-fausse
science du jardinage
et de l'agriculture
Sur la terrasse
tes fleurs crevaient de soif
comme le cadavre
des illusions d'un monde
convaincu d'être débridé
et suractif
Oh oui tu penses...