Le train t'apprend à (presque) tout quitter...
La lande défile à très grande vitesse. Les morceaux des Smiths se confondent avec les champs de blé. Le blé est encore un peu vert. La voix de Morrissey a appris à mûrir en graine. Le wagon-bar est situé en voiture 5. Le printemps chante un arc en ciel entre deux formules et ton sandwich crudités. Prendre un train c'est encore écrire...
Les charolaises reposent en paix. New Order joue Crystal et c'est comme si, par la seule grâce des machines, les foins avançaient d'un mois ou deux, oui, comme si le monde flottait dans une odeur, âcre et sèche, de moisson. Pourtant, le vert creuse partout la plaine. Sur le carré, juste en face, une adolescente, la frange sage et le nez au retroussé gothique, regarde la dernière saison de Game of Thrones. Mon voisin, la petite vingtaine, me demande " votre polo c'est un Fred Perry ?" La voiture bar est située en voiture 4. La gamine me soupire au visage un peu de son taboulé persil et menthe. J'ai surtout envie d'un café. D'écouter New Order en regardant tout ce vert devenir l'été. Ecrire, c'est se perdre de vue...
A quoi ressemble les gares sur les quais du retour? Les gens s'enfuient dans le noir. Pour pleurer avec violence. Textoter, le doigt tremblant comme une bière artisanale, cette réunion de dernière minute qui les aurait une nouvelle fois mis en retard. Râler en regrettant la forme étrange des fumées. Se demander si les enfants ont fini leurs devoirs. Si une pizza les attend. Ou le souffle glacial de l'infidélité...La vie nous brise. Parfois, pas ça de vent pour venir vous secouer à l'intérieur. Nos rêves, quand il en reste, ressemblent à trois ou quatre petits messieurs étriqués. Même leurs yeux ont été jeunes avant vous. Le train t'apprend à (presque) tout quitter...